In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Vivre de son art : histoire du statut de l’artiste, XVe–XXIesiècles by Agnès Graceffa
  • Isabelle Mayaud
Agnès Graceffa (dir.). - Vivre de son art : histoire du statut de l’artiste, XVe–XXIesiècles. Paris, Hermann/Smart, 2012, 316 pages.

Cet ouvrage coordonné par l’historienne Agnès Graceffa réunit une vingtaine de contributions d’historiens et de sociologues. Partant d’une définition contemporaine de l’artiste, il pose des jalons en vue d’une histoire du statut de l’artiste en France du Moyen Âge à nos jours. Les auteurs se saisissent donc sans détour de la question : « Et tu en vis ? », immanquablement posée à celle ou celui qui revendique aujourd’hui l’exercice d’une activité artistique. Ils interrogent concrètement les modalités et les adaptations inhérentes à « la vie d’artiste » et leurs variations dans le temps. L’ouvrage s’organise autour d’un fil chronologique et fait ressortir la diver-sité des statuts économiques et symboliques suivant les époques et suivant les arts : le théâtre (Bouhaïk-Gironèse), les beaux-arts (Blanc, Sofio, Gonnard, Maingnon, Bouvard), la musique (Heintzein, Leterrier, Ravet), la danse (Marquié), la littérature (Watrelot, Landis-Fassler, Dozo, Naudier), le cinéma (Rollet), l’illustration (De Potter), la photographie (Maresca), le cinéma et le théâtre (Grégoire).

Au cours de l’époque moderne émerge la figure de l’artiste qui œuvre le plus souvent en communauté, laquelle peut prendre plusieurs formes : associations d’acteurs à la fin du XVe siècle en France (p. 27–35), corporations et ateliers de peinture aux XVIe–XVIIIe siècles (p. 37–46), communauté des joueurs d’instruments du XVIIe au XIXe siècles (p. 47–63). La Révolution proclame la liberté du travail (p. 102) et ouvre un XIXe siècle combatif pour les artistes, acculés à devoir redéfinir les contours de leur activité et les droits afférents. Leurs luttes ne se soldent pas toujours par des succès. Ainsi, la profession de chorégraphe, reconnue au XVIIIe siècle, est-elle dévalorisée au XIXe (p. 77–88). Les musiciens peinent durant tout le siècle à s’imposer comme profession (p. 89–102). Les femmes parviennent quant à elles à remporter des victoires, individuelles (George Sand, p. 103–120) ou collectives (l’Union des femmes peintres et sculpteurs et les Femmes artistes modernes, p. 121–138). Un grand XXe siècle est enfin l’occasion de décliner différentes trajectoires, autant d’exemples, pris sur le temps court ou long, d’adaptations pour « devenir des artistes, malgré tout » (p. 46). Si « le XXe siècle aura été celui de la reconnaissance des créatrices » (p. 265), celles-ci [End Page 140] rencontrent des résistances variables selon le domaine dans lequel elles évoluent. Leur statut est ainsi plus assuré dans la photographie (p. 121–138), les beaux-arts (p. 251–264) et la littérature (p. 221–236) – encore cela dépend-il des genres (voir p. 183–193 sur les auteurs de boulevard) – et beaucoup moins dans le cinéma (p. 139–150) et la musique (p. 265–270). Les stratégies d’ajustement déployées sont par ailleurs diverses, en fonction des ressources et propriétés sociales dont disposent les individus (voir le cas des Belges détaillé p. 167–181 et p. 195–207). Le statut d’artiste ne semble enfin, quels que soient les arts, jamais stabilisé. C’est particulièrement vrai en période de crise : guerres et révolutions posent frontalement aux artistes la question de leur survie (p. 151–165). Mais c’est finalement le lot quotidien et plus insidieux d’une population soumise à la « flexibilité » (p. 8), par conséquent sensible aux moindres aléas économiques. Aujourd’hui, plusieurs secteurs, la photographie notamment, apparaissent ainsi inquiétés par l’introduction du numérique.

« L’artiste du XXIe siècle reste encore à inventer… » : ainsi se conclut et s’ouvre cet ouvrage (p. 271–285) où est souligné le paradoxe du statut actuel de l’artiste...

pdf

Share