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  • Jeunesses malheureuses, jeunesses dangereuses. L’éducation spécialisée en Seine-Maritime depuis 1945 by Sophie Victorien
  • Axelle Brodiez-Dolino
Sophie Victorien. - Jeunesses malheureuses, jeunesses dangereuses. L’éducation spécialisée en Seine-Maritime depuis 1945. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, 317 pages. « Histoire ».

Issu d’un travail de thèse sous la direction de Yannick Marec, prix 2010 du Comité d’histoire de la Sécurité sociale, cet ouvrage témoigne d’une historiographie en plein renouvellement. Ouvert en 1989, à la suite de Michel Chauvière, par l’ouvrage pionnier de Pierre Guillaume sur l’OREAG à Bordeaux (Œuvre du refuge des enfants abandonnés de Gironde), puis l’année suivante par celui de Dominique Dessertine sur la Société lyonnaise pour le sauvetage de l’enfance, le thème de l’enfance inadaptée et de la naissance de l’éducation spécialisée s’est notablement enrichi depuis les années 2000, avec notamment les travaux de Mathias Gardet, Françoise Tétard, Michèle Becquemin ou Bruno Carlier. Mais alors que les approches restent le plus souvent ou institutionnelles (nationales, régionales ou monographies d’institutions) ou centrées sur les éducateurs, l’ouvrage de Sophie Victorien témoigne d’un réel souci d’articuler mesures nationales et mise en œuvre locale, secteurs public et privé, et profil des jeunes pris en charge.

L’étude se fonde sur un matériau principalement privé – à l’image du paysage de l’éducation spécialisée en Seine-Maritime – récolté suite à un long travail de repérage, de tri et de classement d’archives, plus particulièrement dans huit associations. N’ont toutefois pas été omis les entretiens, les analyses de documents sonores ou visuels et le recours, autant que possible compte tenu des refus de dérogation, aux archives publiques.

La période étudiée s’ouvre sur le profond renouveau législatif de 1945 avec, d’une part, l’ordonnance fondatrice du 2 février relative à l’enfance délinquante, qui consacre la victoire des approches éducatives sur le répressif et confirme la primauté de la rééducation en internat ; puis, d’autre part, celle du 1er septembre qui crée, au sein du ministère de la Justice, une direction de l’éducation surveillée désormais indépendante de l’administration pénitentiaire. Dans le contexte foisonnant de la Libération, la délinquance juvénile, en recrudescence spectaculaire depuis 1942, est un sujet de préoccupation et la jeunesse devient une catégorie à part entière. Le terme de l’étude est plus diffus, il se situe selon les organisations étudiées entre la fin des années 1970 et 1984, date de la circulaire Bérégovoy-Badinter qui dépossède les CREAI (Centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées, qui remplacent depuis 1964 les ARSEA, Associations régionales de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence) d’une part essentielle de leurs prérogatives. La périodisation est donc similaire à celle retenue par Mathias Gardet et Alain Vilbrod dans leur étude sur les coordinations bretonnes pour l’enfance et l’adolescence inadaptées.

L’ouvrage se divise en trois parties thématiques. Un premier temps est consacré au cadrage et à la présentation de la situation locale. À la Libération, la Seine-Inférieure apparaît particulièrement touchée par les destructions et les pénuries de guerre, tandis que les structures pour enfants et adolescents inadaptés, alors nombreux, font cruellement défaut : en tout et pour tout, deux institutions religieuses pour jeunes filles, deux pour garçons de moins de 13 ans et des orphelinats. La mise en œuvre des ordonnances de 1945 est donc lente, faute de moyens. Pour parer à l’urgence, les pouvoirs publics s’appuient sur les structures privées existantes et naissantes, à qui sont de facto déléguées des missions de service public en échange de prix de journée et de subventions. C’est ainsi largement grâce aux initiatives privées que sont assurées les enquêtes sociales, la mise en œuvre des mesures de liberté surveill...

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