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  • Les « saints de la République ». Les décorés de la Légion d'Honneur (1870-1940)
  • Jacques Girault
Bruno Dumons . – Les « saints de la République ». Les décorés de la Légion d'Honneur (1870-1940), Paris, La Boutique de l'Histoire, 2009, 507 p.

En 1802, Napoléon Bonaparte crée la Légion d'Honneur, « décoration nationale », pour permettre aux autorités de l'État de distinguer le mérite des hommes qui le servent. Décoration avant tout militaire, la Légion d'Honneur prend sous la Troisième République un ton de reconnaissance de l'adhésion aux valeurs républicaines, aux engagements civiques, bref elle devient une arme politique. Bruno Dumons écrit une histoire sociale de cette décoration, depuis la demande pour devenir chevalier jusqu'à la décision du président de la République en passant par les questionnaires remplis par les postulants, par les interventions variées et par l'examen des contextes sociopolitiques explicatifs des attributions. Judicieusement, plutôt que de mener une enquête sur le plan national, il préfère se limiter à deux départements, pourvus de nombreuses études, la Saône-et-Loire et le Var, sur lesquels il a déjà travaillé. L'ouvrage ne comporte pas de bibliographie, mais les notes permettent de la reconstituer. [End Page 162] L'index ne porte que sur le texte alors que les notes fourmillent de noms et que ces indications pourraient être utiles aux différents dictionnaires biographiques publiés sur le plan national ou régional. Notons au passage que Dumons ne semble pas avoir utilisé les notices du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français qu'il ne cite pas.

La Légion d'Honneur, après avoir été une distinction de type aristocratique, devient une « étape de la laïcisation et de la sécularisation de la société », un processus de désignation des « saints laïcs », tout en étant une technique de gouvernement. Après la période antérieure à la Troisième République rapidement traitée en quinze pages, la fabrication de ce modèle civique examinée pour la période suivante à partir de la France profonde comporte des étapes obligatoires. La candidature personnelle ou provoquée, la proposition, qu'elle soit ministérielle ou qu'elle émane d'autres instances, répondent à des prises de conscience de services rendus ou en cours. La récompense peut avoir une allure de revanche politique, ainsi dans la promotion d'un pharmacien de La Seyne, animateur de la résistance républicaine en 1851 et déporté. Toutefois, le dirigeant républicain du département sous l'Empire, Noël Blache, premier maire de Toulon en 1870, président du Conseil général, qui se heurte aux soutiens locaux de Clemenceau, ne reçoit cette promotion qu'en 1889 et ne devient pas officier. Des réseaux se mobilisent : les élus locaux, les hommes influents de toutes tendances politiques. Il s'agit de montrer à l'administration préfectorale les hommes – et très rarement les femmes, 3 % des effectifs recensés dans les deux départements, cultivatrices ou animatrices d'œuvres de bienfaisance, parfois artistes – qui, pour des raisons variées, répondent aux critères, charge particulièrement impérative dans le Var où les honorés de la Marine dominent, mais Dumons ne retient pas ces derniers et examine 255 dossiers. La préfecture et plus spécialement le secrétaire général, chargé du suivi du dossier, choisissent. L'intervention de ce dernier, qui représente l'administration considérée comme neutre, complète les choix plus politiques des sous-préfets et des préfets. Un postulant se dégage où se mêlent forcément des caractéristiques complémentaires. Reste à connaître le cheminement jusqu'à la décision nationale.

Dumons dégage l'importance de l'âge – un des républicains de 1848, âgé de 81 ans en 1897, constitue un cas limite en Saône-et-Loire –, du rayonnement régional, des conséquences de l'instruction et de la situation familiale. Plus on...

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