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Reviewed by:
  • 14–18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins
  • Antoine Prost
André LOEZ. - 14–18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins, Paris, Gallimard, 2010, 680 p. « Folio-histoire ».

Revenir sur l’histoire des mutins après Guy Pédroncini, Len Smith et Denis Rolland ne manque pas d’ambition 12. André Loez en a les moyens et il nous livre un ouvrage de première importance. Passons sur la clarté du plan et la fluidité de l’écriture. Passons sur l’ampleur de la documentation qu’attestent 94 pages de notes : outre les archives du commandement, des conseils de guerre, de la justice militaire, du contrôle postal, l’auteur a labouré celles des acteurs et les témoignages publiés – sources et bibliographie figurent d’ailleurs, avec la liste des mutineries retenues, dans une annexe de 86 pages consultable sur internet. L’important est sa problématique, qui renouvelle l’historiographie de la Grande Guerre.

Alors que les motivations des soldats étaient au centre du débat, André Loez tourne le dos à cette approche psychologique. Il est assez vain de « chercher dans les consciences des “raisons” de tenir et de combattre, dans la mesure où aucun autre choix n’est disponible » (p. 37). Il y a la guerre, un événement qui s’impose à tous, une évidence collective à laquelle les individus s’adaptent. Ils n’ont pas le choix. Ce « fait national » est « de part en part un fait social, irréductible à la psychologie et à la culture ou au patriotisme des seuls individus » (p. 43). On semble ici congédier l’histoire culturelle, au profit d’une histoire sociale renouvelée.

Du coup, la question se déplace. Avant de chercher des raisons aux mutins, il faut comprendre pourquoi le choix d’une révolte est devenu possible au printemps de 1917. L’échec du Chemin des Dames n’est pas une explication suffisante : 22 unités seulement sur les 85 touchées par les mutineries avaient été engagées le 17 avril, tandis que 19 étaient au repos complet et 8 dans un secteur calme. La 5e DI, où la mutinerie fut spectaculaire, était en réserve. La dénonciation des attaques inutiles et la lassitude de la guerre apparaissent beaucoup plus tôt. La désobéissance des soldats ne relève donc pas d’une démotivation passagère et vite surmontée, mais elle révèle que « d’autres choix et d’autres conduites sont devenus possibles et pensables, en raison d’une inflexion des cadres sociaux et symboliques de l’obéissance » (p. 56).

De nombreux événements construisent en effet une représentation de l’avenir où il devient envisageable que la guerre puisse prendre fin : avec la révolution russe, l’entrée en guerre des États-Unis, le recul allemand sur la ligne Hindenburg, l’espoir suscité par les préparatifs du Chemin des Dames, l’impression de flottement au sommet de la hiérarchie lors de la nomination de Pétain, la perspective d’une paix n’est plus absurde. Elle prend plus de consistance avec les grèves de mai et surtout le congrès socialiste de Stockholm auquel le parti français décide le 28 mai de se rendre, avant que le gouvernement ne refuse des passeports à ses délégués le 4 juin. L’exemple vite connu des premiers refus d’obéissance donne des idées. Nous sommes alors à l’apogée des mutineries.

A. Loez étudie attentivement celles sur lesquelles nous sommes le mieux renseignés. C’est tout un continuum de désobéissance, qui va de l’altercation avec un officier au projet de marche sur Paris. Le mouvement lui semble sous-estimé, car il a découvert, grâce notamment aux JMO, 27 mutineries jusque-là ignorées, et deux de plus encore entre la rédaction de son livre et celle de son annexe. D’autre part, les sources françaises ne mentionnent pas 8 mutineries signalées par le commandement allemand qui, contrairement à ce qu’on croit souvent, les a connues. Il analyse la chronologie et la géographie...

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