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Reviewed by:
  • La sueur des autres. Les fils d’Érin et le canal Beauharnois
  • Jean-Philip Mathieu
Roland Viau, La sueur des autres. Les fils d’Érin et le canal Beauharnois (Valleyfield: Triskèle 2010)

La place des travailleurs irlandais engagés dans la construction des canaux de l’axe laurentien au cours de la première moitié du xixe siècle dans le développement de la classe ouvrière au Canada-Uni est bien connue. Dans un article classique publié en 1948, H. C. Pentland, un des fondateurs de l’histoire ouvrière canadienne, les appela même le premier prolétariat au Canada. L’interprétation de Pentland est maintenant dépassée – nous savons aujourd’hui qu’une classe ouvrière indigène était déjà en formation avant et en même temps que l’arrivée de l’immigration irlandaise – mais l’importance des travailleurs qui construisirent avec pelle et pic les grands canaux demeure primordiale. C’est pourquoi il y a matière à réjouir dans la publication d’une nouvelle étude portant sur les travailleurs du canal Beauharnois.

La monographie de Roland Viau, intitulé La sueur des autres, est étalée sur deux temps. En première partie, il introduit le projet de canalisation à Beauharnois, construit entre 1840 et 1844, et trace un bilan ethnographique des ouvriers (« canaliers ») qui s’y trouvaient. Ici Viau s’appuie principalement sur des sources secondaires, ce qui lui sert parfaitement bien pour son introduction du projet et de l’organisation du chantier, mais moins bien quand il se tourne vers les travailleurs eux-mêmes. Faute de sources touchant explicitement les ouvriers du canal Beauharnois, l’auteur extrapole par des généralisations tirées d’études portant sur d’autres canaux, tels ceux de Welland et d’Érié. Des généralisations informées par d’autres études sont nécessaires considérant la pauvreté de la documentation primaire sur les travailleurs de cette époque, mais les ouvrages que Viau choisit d’utiliser ne sont pas toujours les meilleurs. Une de ses principales sources par exemple est le livre de Freidrich Engels sur la condition de la classe ouvrière en Angleterre, un classique, certes, mais comme il fut publié en 1844 une étude plus récente aurait peut-être été préférable.

Après avoir dressé un bilan du chantier de Beauharnois et des travailleurs y œuvrant, Viau se tourne vers la grève qui éclata en juin 1843, et la lutte acharnée que mena les canaliers pour l’obtention d’une augmentation de salaire et pour fixer une limite des heures de travail (137), le tout culminant avec la journée sanglante du 12 juin 1843, le « lundi rouge » (162–163). Viau constate que le déclenchement de la grève n’était pas un acte spontané, mais démontre plutôt un impressionnant niveau d’organisation de la part des travailleurs. L’auteur voit dans ce pouvoir organisationnel la preuve de l’existence de sociétés secrètes qui opéraient parmi les travailleurs irlandais du chantier. Pour élucider les événements entourant la grève, Viau fait principalement appel à la commission d’enquête mise sur pied par la suite pour tenter d’expliquer la violente conflagration, et l’auteur fait un travail colossal pour tout sortir les détails de cet excellent document. De plus, il [End Page 263] fait preuve de grande créativité pour tenter de réviser le nombre de victimes du « lundi rouge », calculant qu’il y avait au moins 21 travailleurs qui sont tombés et non cinq comme le propose la version officielle. (181)

Par contre, en suggérant que la grève fut l’œuvre d’une société secrète à Beauharnois, Viau trébuche quelque peu. C’est bien possible, voire probable, qu’il eût de telles sociétés au canal, les émigrants irlandais les amenant fréquemment avec eux quand ils quittaient l’île émeraude. Mais, comme Viau admet, il n’y a absolument aucune preuve, aucun document, démontrant leur existence au chantier de Beauharnois. Comme unique indice, Viau cite un article du...

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