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  • Le Rire particulier de Rolph Trouillot1
  • Drexel G. Woodson
    Translated by Nadève Ménard

Michel-Rolph Trouillot (26 novembre 1949–5 juillet 2012) était un homme noir de Port-au-Prince, Haïti. Je suis un homme noir du nord de Philadelphie. Pendant un quart de siècle, Rolph fut mon frère et ami haïtien, un collègue anthropologue, un interlocuteur intellectuel, et mon complice dans un « avec » (l’unité microsociologique d’Erving Goffman) qui discutait régulièrement de politique à travers les frontières entre le marxisme et le libéralisme.

Brackette F. Williams, ma partenaire, à l’époque déjà assez avancée en route pour devenir une ethnologue avisée et théoricienne incisive, m’a présenté Rolph en 1978 dans son petit appartement sur Greenmount Avenue à Baltimore, Maryland.2 Brackette était alors étudiante en troisième année de doctorat à l’Université Johns Hopkins dans le programme en Histoire et Culture de l’Atlantique. Programme qui avait été créé, dans un souci d’interdisciplinarité réelle et non factice, par les anthropologues Richard Price et Sidney W. Mintz, de concert avec les historiens Jack P. Green et Phillip D. Curtin. Rolph venait tout juste d’intégrer le programme après avoir emménagé à Baltimore de New York City. Sur ce qui finalement est devenu un long chemin vers le doctorat, j’étais en train de jouter en 1978 avec les « Monsters of the Midway » (le surnom du corps enseignant du département d’anthropologie de l’Université de Chicago).

Quelques années plus tard, après avoir accepté une nomination au professorat du Département d’anthropologie de l’Université de Chicago, Rolph a réorganisé son cours, « Concepts et Catégories, » qu’il avait enseigné pendant plus d’une décennie à Duke et Johns Hopkins pour l’offrir à des anthropologues professionnels potentiels à Chicago comme le cours de base du troisième cycle, « Introduction aux systèmes socioculturels. » Il m’a demandé de l’aide, que je lui ai accordée à travers de longues discussions sur les objectifs pédagogiques et lectures clés du cours. Un important sujet de discussion était le syllabus de « Systèmes, » un cours dispensé en 1974 par les professeurs Marshall Sahlins et Bernard S. Cohn, qui était [End Page 47] une exposition préliminaire de l’argument de Sahlins pour une théorie structuraliste de la culture contre l’idéalisme, le matérialisme vulgaire et le marxisme.3 Toujours généreux, Rolph ne s’est jamais lassé de me remercier pour le rôle tant bien minime que j’ai pu jouer pour faire de son cours de « Systèmes » le cours rigoureux, influent et populaire qu’il est devenu pour plusieurs promotions d’étudiants de troisième cycle à Chicago.

La mort de Rolph m’a profondément attristé pour des raisons personnelles et professionnelles—presque autant que ses anévrismes en 2002, et son rétablissement lent et en fin de compte incomplet.

La relation de Brackette avec Rolph était différente de la mienne, et il a chaleureusement reconnu leurs échanges fréquents et signifiants dans ses deux derniers livres.4 Ils partageaient une passion pour la théorie et la politique, qu’ils ont nourri par des discussions autour du travail de penseurs tels Antonio Gramsci, Niccolò Machiavelli, Charles Sanders Peirce, W. E. B. Du Bois, Ida B. Wells, Jean Price-Mars, Jean Fouchard, et une liste d’anthropologues, historiens, critiques sociaux, et militants politiques—des anciens et des nouveaux, marxistes et non-marxistes, de la Caraïbe ou d’ailleurs—liste beaucoup trop longue pour être reprise ici. Leurs discussions étaient « magnifiques, » comme Rolph l’aurait dit, parce qu’elles combinaient toujours de solides bases empiriques avec une abstraction provocante et éblouissante en termes analytiques.

L’arrière-plan qui précède donne une idée du contexte de ma longue amitié avec Rolph. Dans ce texte, je fais référence au rire particulier de Rolph, et j’en parle beaucoup. Je le ferai à nouveau lors des rencontres commémoratives autour de la vie et de l’œuvre de Rolph au cours desquelles les connexions inébranlables...

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