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  • Ophélie de Charlotte Gingras: évolution du personnage pivot d’un roman intimiste pour adolescents
  • Geneviève Falaise (bio) and Monique Noël-Gaudreault (bio)

En raison de son effervescence au sein de l’édition jeunesse, signe de son attrait auprès des lecteurs, l’écriture intimiste mérite qu’on s’y attarde. Effectivement, au 21e siècle, les thèmes liés à l’individu—tels que l’amitié, l’amour et la solitude—reviennent souvent dans les romans québécois et français pour la jeunesse. Conséquence de cet état de fait, les journaux intimes abondent, car ils répondraient aux attentes des adolescents en reproduisant, de façon la plus authentique possible, leur subjectivité. C’est le cas d’Ophélie de Charlotte Gingras, qui met en scène l’évolution psychologique d’une narratrice adolescente marginale, au fur et à mesure que change sa perception à l’égard du sexe opposé.

Depuis sa parution en 2008, la richesse littéraire du roman de Gingras est reconnue, comme en témoignent ses nombreux prix ou mentions: lauréate du Prix Alvine-Bélisle en 2009, lauréate du Prix du livre jeunesse des bibliothèques de Montréal en 2009, finaliste au Prix du Gouverneur général du Canada, littérature jeunesse en 2008 et finaliste au Prix Wallonie-Bruxelles en 2008. En outre, Ophélie fait partie des 51 meilleurs titres de la production littéraire jeunesse du Québec et du Canada francophone, destinés aux douze à dix-sept ans, qui figurent dans la Sélection de livres pour jeunes 2009–2010 de Communication-Jeunesse (Guide 21), organisme québécois sans but lucratif qui se consacre à la défense de la littérature jeunesse francophone du Canada.

Propre au roman contemporain pour adolescents, la narration à la première personne constitue une des caractéristiques de l’écriture intimiste et convient bien à un journal intime. Dans le monde fictionnel d’Ophélie, tout passe par la vision de ce personnage, qui partage avec Jeanne d’Amour, une destinataire adulte, les incidents de son quotidien, les émotions [End Page 80] qu’ils provoquent chez elle ainsi que son mal de vivre. Par le « bavardage confidentiel » (Delbrassine 254) d’Ophélie, Charlotte Gingras cherche à traduire, dans l’écriture, la spontanéité de l’adolescente, de façon à créer un effet de sincérité. Dans le cahier offert par Jeanne (destinataire sous-entendu?), une auteure jeunesse venue parler de son expérience d’écrivaine à l’école de l’adolescente, Ophélie clame sa détresse: « Jeanne, m’entends-tu crier ton nom? Jeanne! » (53).

À travers ce pseudo-journal intime, le lecteur retrouve aussi de nombreux dessins, une liste de peurs (21), quelques photos tirées du livre d’artiste d’Ophélie (145–57) et un billet d’amour (237). Ces insertions créent une hybridation du genre et visent à renforcer l’impression que la narratrice existe réellement, qu’elle est l’auteure véritable du journal; bref, à faire croire en l’authenticité de l’histoire relatée (Boutevin et Richard-Principalli 149).

Pour notre part, nous définissons le roman intimiste comme une œuvre où un narrateur fictif mais crédible, généralement un adolescent singulier en littérature jeunesse, confie ses sentiments les plus profonds au sujet de sa propre existence à une entité qui lui semble étroitement liée, même si le narrateur n’en attend pas de réponse. Notons ici que le terme « entité » renvoie à « [c]e qui constitue l’essence […] d’un individu » (Robert 872), sans être un véritable individu, car le destinataire ne peut être que le journal lui-même.

Objectifs de la recherche et méthodologie

À partir de critères dégagés des recherches théoriques sur les personnages, sur le roman intimiste et sur le journal intime, nous allons donc présenter ici une analyse de contenu d’Ophélie de Charlotte Gingras, qui nous semble représentatif de ce roman journal. Nous tentons de montrer comment l’auteure a décrit l’évolution psychologique du personnage et comment le roman permet d’illustrer les caractéristiques du genre littéraire...

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