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  • Contester l’Empire. Pensée postcoloniale et militantisme politique à Montréal, 1963–1972
  • Marcel Martel
Mills, Sean – Contester l’Empire. Pensée postcoloniale et militantisme politique à Montréal, 1963–1972. Montréal, Hurtubise, 2011, 349 p. Traduction de l’ouvrage The Empire Within. Postcolonial Thought and Political Activism in Sixties Montreal (2010).

Écrire sur les années 1960 au Québec sans faire de la Révolution tranquille l’objet central de l’analyse est un défi. Même si Sean Mills ne traite pas directement de la Révolution tranquille, il évoque le bouillonnement idéologique de cette période. Si certains croient que cette énergie idéologique découle de la Révolution tranquille, Sean Mills nous propose une autre piste d’interprétation.

Le mouvement de décolonisation, commenté par les intellectuels montréalais, nourrit l’imaginaire des gens qui tentent de comprendre les rapports de domination et d’exploitation qui caractérisent la société québécoise. Les théories de la décolonisation fournissent une clé d’analyse des rapports sociaux, mais aussi un langage qui permet à ces gens de prendre conscience de leurs conditions et à recourir à des moyens pacifiques, dans la plupart des cas, pour contester l’ordre social et aspirer à un monde qui ne sera plus basé sur des rapports de subordination et de dépendance.

Si les études sur les causes de la Révolution tranquille insistent souvent sur les facteurs internes, Sean Mills ouvre les portes sur l’international. Il démontre que la société québécoise et notamment Montréal ne sont pas des îlots coupés des influences mondiales et surtout incapables de s’approprier les idéologies de la décolonisation de manière à nourrir leurs aspirations et surtout à croire qu’il était possible de secouer, une fois pour toutes, [End Page 211] l’expérience coloniale qui caractériserait l’histoire des Canadiens français. L’ouvrage de Mills rappelle aussi que Montréal est une ville multiethnique. En posant sa lorgnette sur les communautés ethniques et nationales qui cohabitent à Montréal, Mills décrit des communautés en effervescence. En même temps, cette contestation transcende les frontières de la nation francophone. Ce dialogue interethnique et interlinguistique est cependant de courte durée, car les alliances sont souvent temporaires.

En levant le voile sur ces débats, Sean Mills inscrit sa démarche scientifique, qualifiée par Ronald Rudin de « normalisation » de l’expérience historique des Québécois ou de tentative de dépeindre la réalité québécoise comme une société normale qui aurait évolué au même rythme idéologique que les autres sociétés occidentales. Les penseurs du mouvement de décolonisation s’étonnent, comme l’explique l’auteur, que les francophones du Québec utilisent leurs écrits pour donner un sens à leur expérience sociohistorique. Mills rapporte l’étonnement d’Aimé Césaire mais aussi la contestation par certains Amérindiens de l’affirmation que les Canadiens français sont un peuple colonisé.

Le livre est divisé en deux parties. Dans la première partie, Mills met la table et présente Montréal, le Québec et les idées qui transforment le monde. Dans la seconde partie, il introduit divers groupes qui se sont approprié l’idéologie anti-impérialiste et l’utilisent comme cadre d’analyse pour expliquer leur oppression raciale (chapitre 4), de genre (chapitre 5), linguistique (chapitre 6) et de classe (chapitres 7 et 8).

Dans son chapitre sur le féminisme, Mills souligne les efforts de collaboration entre les femmes provenant des deux principales communautés linguistiques montréalaises. Cela fait écho à la première vague féministe à la fin du XIXe siècle et la collaboration entre les femmes protestantes et catholiques. Par ailleurs, si le catholicisme devient une cause de discorde entre ces femmes au début du vingtième siècle, la question nationale l’est en 1970. Sean Mills conclut son chapitre en identifiant la langue comme étant la cause de discorde mais, comme on le sait, langue et nationalisme ont une longue association chez les francophones...

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