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  • Apostat ou philosophe? La figure de l’empereur Julien dans la pensée française de Montaigne à Voltaire by Julie Boch
  • Christiane Mervaud
Apostat ou philosophe? La figure de l’empereur Julien dans la pensée française de Montaigne à Voltaire. Par Julie Boch. (Moralia, 18.) Paris: Honoré Champion, 2013. 808pp.

La destinée de l’empereur Julien, dit l’Apostat (331–363 ap. J.-C.), a fasciné ses contemporains et la postérité. Bien des études lui ont été consacrées, mais jamais la fortune de Julien dans la pensée française de l’humanisme aux Lumières n’avait donné lieu à une aussi vaste, aussi précise et aussi riche synthèse. De Montaigne à Voltaire, figures de proue ou minores se sont confrontés au cas singulier de cet empereur qui ne régna que vingt mois mais qui voulut restaurer le paganisme. Julie Boch rappelle le mot de Diderot: Julien est un ‘baromètre’ des attitudes mentales des écrivains de la fin de la Renaissance à ‘l’acmé’ des Lumières. Des années 1580 aux années 1650, le plaidoyer en forme de ré- habilitation de Montaigne ouvre la voie aux libertins et aux sceptiques, tandis que le contexte des guerres de religion et de l’abjuration de Henri IV donne lieu aux ouvrages de controverse des apologistes protestants et des théologiens catholiques. Les jugements portés sur les épisodes les plus saillants de sa vie servent de marqueur à la pensée du temps. Puis, des années 1650 jusqu’en 1710, la leçon des humanistes se trouve occultée. La préoccupation des érudits et des théologiens est d’abord de fonder la vérité de la foi aux dépens de l’erreur païenne. Ainsi éclatent des polémiques entre historiens prônant une histoire providentielle comme Bossuet et tenants d’une histoire non apologétique qui se cristallisent sur l’interprétation de la mort légendaire de Julien; les défenseurs du catholicisme gallican accusent de subversion le protestantisme en un temps où l’édit de Nantes sera révoqué. Peu d’auteurs laïcs s’intéressent à Julien. Mais déjà au tournant du siècle, l’autorité de l’Église est largement écornée et l’histoire profane a conquis des droits face à l’histoire sacrée. La dernière période, enfin, voit l’image de Julien profondément modifiée. On s’interroge sur l’homme d’État, sur le législateur. Le voici promu au rang de sage par les libres penseurs. Â partir du milieu du dixhuitiè me siècle, les philosophes en font une icône de la liberté de penser, de la sagesse politique, de la tolérance religieuse, et c’est Voltaire qui le hisse au niveau d’un mythe au service du combat contre l’infâme: il devient un modèle. Â partir de la figure de Julien, pendant plus de deux siècles, se dessinent des lignes de partage dans le champ religieux. Se dessinent aussi des lignes de force. La première relie les humanistes aux Encyclopédistes, proclamant la nécessité de distinguer pouvoir spirituel et pouvoir temporel, défendant les droits de la conscience contre l’orthodoxie. La seconde, qui va des apologistes aux adversaires des Lumières, soit condamne vigoureusement l’empereur, soit se heurte au paradoxe d’un ennemi de la foi paré de vertus chrétiennes et se réfère à la doctrine des ‘péchés splendides’ selon saint Augustin. Les uns et les autres sont moins préoccupés de vérité historique que d’appropriation d’une figure de l’Antiquité, les enjeux étant à la fois moraux, théologiques et politiques. Il s’agit là, on l’aura compris, d’un maître-livre. [End Page 391]

Christiane Mervaud
Université de Rouen
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