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  • Le Sens du passé: pour une nouvelle approche des mémoires ed. by Marc Hersant, Jean-Louis Jeannelle, Damien Zanone
  • Delphine Amstutz
Le Sens du passé: pour une nouvelle approche des mémoires. Études réunies et présentées par Marc Hersant, Jean-Louis Jeannelle et Damien Zanone. (La Licorne, 104 (2013).) Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2013. 394pp.

Issu d’un colloque qui s’est tenu à Paris et Louvain-la-Neuve en décembre 2010, ce collectif tient les promesses de son titre et offre une approche diachronique d’un objet littéraire trop longtemps étudié sous un angle exclusivement séculaire: les mémoires, modèle ‘d’écriture factuelle articulant récit personnel et expérience historique’, selon la définition proposée par Marc Hersant (p. 162). Vues d’ensemble ou études de cas singulières, les vingt-six contributions du volume se partagent en quatre sections: ‘Identifier, éditer, lire’, ‘Les Mémoires, des modèles d’écriture en transformation’, ‘Entre récits de soi et fiction’ et ‘Mémoires et écriture de l’histoire’. Les deux premiers volets présentent un intérêt décisif et original. Ils tentent en effet de définir historiquement les mémoires, sans les aborder comme un genre dont on déplorerait inlassablement l’absence de poétique, mais comme un ensemble de ‘modèles discursifs’ (Jan Herman, p. 246) s’entrelaçant en une ‘tradition’ mémoriale hybride et passible d’infinies résurgences. L’étude génétique de pratiques d’écriture particulières l’emporte donc sur le souci théorique a priori, comme le rappelle Emmanuèle Lesne-Jaffro (p. 232). Catherine Emerson explore ainsi la préhistoire des mémoires depuis Commynes; Dinah Ribard montre, de manière convaincante, que les mémoires se constituent progressivement, à partir des années 1660, comme le ‘produit de spécialistes de l’imprimé et de praticiens de la littérature’ (p. 40). La tradition mémoriale connaît son âge d’or entre la Fronde et la Restauration. Au vingtième siècle, elle semble éclater en une constellation de formes diverses: autobiographie, journal, correspondance, récit de témoignage ... Cependant, elle affleure souvent làoù on le soup-çonnerait le moins: dans le Captif amoureux de Jean Genet, relu par M. Hersant, dans les écrits journalistiques de Marguerite Duras, étudiés par Christophe Meurée, ou dans les récits de ‘transfuges’ contemporains — Didier Eribon, Pierre Bourdieu ou Raymond Depardon — analysés par Tiphaine Samoyault. Comme le résume Jean-Louis Jeannelle: ‘au XXe siècle, le modèle mémorial éclate et perd certes en grande partie la lisibilitéet la visibilité dont il jouissait au XIXe siècle, mais il manifeste en même temps sa capacitéde renouvellement et sa plasticité formelle’ (p. 364). Les deux dernières parties du volume parcourent des chemins mieux frayés par la critique, puisqu’elles circonscrivent le champ des mémoires de l’extérieur en longeant leurs frontières communes avec la fiction et [End Page 431] l’Histoire. Selon Catherine Mariette-Clot, qui prolonge une intuition de Jean-Christophe Igalens, les mémoires se fondent notamment sur une nouvelle conception de l’objectivité historique, synonyme non plus d’impartialité, mais d’‘appropriation individuelle de l’événement’ (p. 92), de perspectivisme et de polyphonie. Les mémoires, nécessairement interconnectés entre eux, supposent donc une éthique personnelle forte et revendiquée qui sollicite et fascine toujours les lecteurs contemporains.

Delphine Amstutz
Paris
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