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Reviewed by:
  • Diderot: le combattant de la liberté by Gerhardt Stenger
  • Pierre Chartier
Diderot: le combattant de la liberté. Par Gerhardt Stenger. Paris: Éditions Perrin, 2013. 790 pp.

‘La biographie du tricentenaire de la naissance’ proclame l’éditeur en quatrième de couverture. Ce qualificatif est mérité. Contrairement à tel ouvrage de seconde main, approximatif et romancé, lancé à grand renfort de publicité au cours de l’‘année Diderot’, la ‘biographie intellectuelle’ de Gerhardt Stenger se distingue par la qualité de son information, sa clarté, et sa probité. Si elle ne fait pas oublier la somme d’Arthur M. Wilson, elle la complète heureusement par des précisions récentes puisées aux meilleures sources (notamment la revue Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie). Cela ne suffit pas, sans doute, car on ne saurait minimiser les ambiguïtés du genre. Comment, à défaut de raconter ‘une vie’, ambition impossible, en évoquer les grandes lignes et dans le même souffle analyser de près des élaborations intellectuelles complexes? Comment éviter ce faisant des blancs, des raccourcis audacieux, ou de trop visibles raccords narrativo-rhétoriques? Parce qu’il est aussi honnête que savant, Stenger fait au mieux. Très à l’aise, et même remarquable lorsqu’il aborde des textes d’idées comme la réécriture de l’Essai sur le mérite et la vertu de Shaftesbury, ou la Réfutation de l’Homme d’Helvétius, Stenger sait l’importance des données relatives à l’énonciation chez l’auteur des Bijoux indiscrets, de La Religieuse, ou de Jacques le fataliste. Il n’ignore pas à quel point l’usage d’une écriture philosophe est caractéristique de Diderot, et il s’efforce d’en rendre compte. Le spécialiste peut parfois rester sur sa faim, à propos du théâtre, de la peinture ou (paradoxalement, car c’était l’objet de la thèse de Stenger) de la question philosophico-littéraire de la liberté, mais le résultat d’ensemble témoigne d’un souci notable. Le lecteur averti se félicite d’accéder à une synthèse actualisée. Un lecteur moins au fait y puise le désir de connaître directement Diderot. Cela signifie-t-il qu’on adoptera le point de vue global d’un livre sous-titré ‘le combattant de la liberté’? Non, bien sûr. Le livre de Stenger se situe dans la lignée des lectures politiques. Certes, Diderot n’est plus pour lui seulement l’athlète éclairé de l’Encyclopédie, et par ailleurs l’érudition moderne ne nous laisse aucun doute sur les ultimes combats du philosophe contre le despotisme, le colonialisme, et l’esclavage. Mais si l’on joint au sous-titre l’intitulé de la seconde partie, ‘Le Vrai, le bon et le beau’, ainsi que celui de la troisième et dernière, ‘Le Bourgeois révolutionnaire’, ne s’expose-t-on pas au court-circuit entre Hegel, qui exploite dialectiquement cette trilogie chahutée dans Le Neveu de Rameau, Victor Cousin qui l’adopte, et les ‘Classiques du peuple’ qui la commentent en fonction des lendemains qui chantent? Que faire du génial inventeur de ‘formes-sens’ (comme disait Jacques Proust) que fut l’auteur des Salons et du Rêve de D’Alembert? Stenger, qui sait tout cela, joue cartes sur table. Mais attention: la donne est [End Page 248] des plus vastes, et Diderot, cet ironiste engagé et passionné s’adressant à sa postérité, a toujours eu plus d’un atout dans ses manches.

Pierre Chartier
Université Paris-Diderot
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