Abstract

Si le duc de Saint-Simon mémorialiste a été susceptible de critiques en tant qu’historien et idéologue, personne au fond n’a jamais pu douter de l’authenticité de son engagement éthique et passionnel, tel qu’on le connaît à travers les trente-deux années de sa chronique. Grâce à une approche originale de la question de la dimension littéraire des Mémoires, cet article se propose d’expliquer les raisons d’une telle discordance d’opinions. Une contradiction fondamentale hante et nourrit la manière saint-simonienne de concevoir, de juger et de représenter la réalité: dans presque chaque page du texte l’esprit normatif du duc cohabite et s’entremêle avec une véritable obsession des écarts. L’acception politique de l’ambiguïté qui en résulte est analysée en tant que source principale de la polysémie des Mémoires aussi bien que de leur vivante beauté. Une comparaison avec la réflexion de Max Weber sur les deux morales mondaines se révèle enfin un outil interprétatif essentiel pour éclairer la signification historique d’un texte qui n’a pas fini de nous instruire par sa capacité de nous surprendre.

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