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  • La Décadence: le mot et la chose
  • Marie-Françoise Melmoux-Montaubin
La Décadence: le mot et la chose. Par Jean de Palacio. (Essais, 4). Paris: Les Belles Lettres, 2011. 342 pp.

Professeur émérite à l'Université Paris-Sorbonne, Jean de Palacio est sans conteste le meilleur connaisseur en France de la littérature décadente, à laquelle il a commencé à s'intéresser dès les années 1970, quand elle était encore à peu près ignorée, et dont il a diffusé la connaissance à travers de nombreux articles et ouvrages — de Pierrot fin-de-siècle (1990) aux Métamorphoses de Psyché (2000), de Figures et formes de la décadence (2 vols, 1994 et 2000) aux Configurations décadentes (2007) en passant par Le Silence du texte (2003). Il a aussi animé un séminaire de recherche dans ce cadre à la Sorbonne entre 1979 et 1999, formant avec passion des générations d'enseignants-chercheurs grâce auxquels cette littérature est aujourd'hui mieux connue. Le Mot et la chose s'inscrit dans [End Page 588] la perspective ouverte par Le Silence du texte, puisqu'il s'agit de définir une 'poétique de la décadence'. Non content d'affirmer fermement l'existence de cette décadence, Palacio en fait le cœur d'une Querelle aussi décisive que celle qui opposa jadis les Anciens et les Modernes. 'On a touché au mot', pourrait-on écrire en plagiant Mallarmé: c'est d'abord une atteinte au langage que la décadence, et Palacio étudie les formes qu'elle prend, avant d'en souligner les conséquences. Les premiers chapitres déclinent ainsi un lexique (que conclut de manière plaisante un petit 'Glossaire', complétant celui de Plowert), puis une grammaire décadente. Palacio y souligne successivement la place centrale du néologisme et de l'incorrection grammaticale, rappelant fort opportunément que la grammaire, 'qu'elle soit étendard, absente, estropiée ou inaccessible [. . .] fait partie des priorités de la Décadence, qui aspire à se forger une morphologie et une syntaxe propres' (p. 82). La 'grammaire du manque et de l'absence' (p. 85) qui se fonde alors menace essentiellement le Verbe: l'étude de la 'Religion de la décadence' (chapitre 9) révèle parallèlement les coups que subit le Verbe fait chair. De même la perturbation de l'ordre des mots peut-elle ouvrir sur celle de l'ordre social, analysée notamment dans le chapitre consacré à la 'Politique de la décadence' (chapitre 7). Dès lors qu'on 'peut écrire en décadent, comme on ferait en allemand ou en anglais' (pp. 34-35), c'est l'unité nationale, fondée sur l'unité de la langue, qui se trouve mise en cause. C'est ainsi par l'étude des spécificités de la langue décadente que l'auteur introduit son lecteur dans l'analyse d'une politique et d'une religion décadentes, et qu'il rejoint des approches plus thématiques et/ou idéologiques: 'Le Mot est devenu réellement la Chose', écrivait Léon Bloy dans Sueur de sang (1914). Et Palacio poursuit: 'Sans doute est-ce en ceci que consiste la Décadence. Dans une dérive où le mot, réifié, affirme son hégémonie et sa toute-puissance' (p. 266). L'ouvrage vaut ainsi par l'originalité de sa démarche, toujours soutenue par les lectures et les analyses précises de textes rares, qui font la richesse de toutes les études proposées par Palacio.

Marie-Françoise Melmoux-Montaubin
Université de Picardie Jules Verne
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