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  • Denis Diderot: Pensées détachées, ou Fragments politiques échappés du portefeuille d’un philosophe
  • Edward Ousselin
Denis Diderot: Pensées détachées, ou Fragments politiques échappés du portefeuille d’un philosophe. Édité par Gianluigi Goggi. Paris: Hermann, 2011. ix + 224 pp. Pb €24.00.

Un long titre pour désigner un groupe de seize brefs textes de Diderot qui, comme l’explique Gianluigi Goggi dans son introduction, furent diffusés en 1772 ‘de façon restreinte par un périodique manuscrit réservé à quelques têtes couronnées: la Correspondance littéraire de l’ami de Diderot, Frédéric-Melchior Grimm’ (p. 3). Au-delà de cette première diffusion confidentielle, ces textes faisaient partie des contributions de Diderot aux éditions successives de l’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal, qui les a incorporés, avec des modifications, à son célèbre livre, initialement publié en 1770. Les passages du livre de Raynal où sont repris les Fragments politiques se trouvent dans l’Annexe 2 de l’édition établie par Goggi. L’ensemble de l’appareil critique fourni par Goggi est par ailleurs particulièrement étendu, représentant près des deux tiers de la pagination de cette édition des Fragments politiques. Un des objectifs de cette édition est de classer ces fragments disparates en tant qu’étapes significatives dans l’œuvre [End Page 91] politique de Diderot. Par exemple, le dernier de ces seize textes, ‘Qu’il faut commencer par le commencement’ ou ‘Sur la Russie’ (dont Goggi livre les deux versions et qu’il compare à un passage du Salon de 1767), peut être considéré ‘comme la pièce maîtresse de ce que Diderot a écrit sur la Russie: le philosophe en reprendra les idées et les développera dans tous ses écrits postérieurs sur ce thème’ (p. 73). La postface de Georges Dulac est d’ailleurs consacrée à la réception de ce fragment. Autre exemple, le fragment 2, qui aborde la question du bonheur chez ‘l’homme sauvage’ et ‘l’homme policé’, est à relier à la Réfutation d’Helvétius et au Supplément au voyage de Bougainville. Goggi décèle par ailleurs une forme d’unité sous-jacente (pp. 24–26) à la diversité manifeste des thèmes de ces courts morceaux (que Diderot lui-même qualifie dans une lettre à Grimm de ‘petites guenilles’, p. 16), parmi lesquels on trouve l’autonomie de la morale vis-à-vis de la religion (fragment 1), une attaque contre le ‘modèle’ chinois prôné par les physiocrates (fragments 4 et 14), une critique de la figure du despote éclairé (fragment 6), les causes des ‘cruautés exercés par les Espagnols en Amérique’ (fragment 9), la question de l’anthropophagie (fragment 11) et le caractère de l’homme sauvage (fragment 12). En dehors de l’œuvre de Diderot, ces textes s’intègrent à un plus vaste réseau intertextuel, se rattachant à plusieurs débats en cours parmi les philosophes du dix-huitième siècle. Goggi compare donc ces Fragments politiques aux lectures que Diderot avait faites de textes écrits par Rousseau, d’Holbach, Montesquieu ou encore Isaac de Pinto. Cette édition reproduit également les notes que Grimm avait rédigées pour accompagner et commenter les fragments de Diderot dans la Correspondance littéraire: ‘On y saisit de façon très nette la différence profonde entre les idées politiques des deux amis. Il s’agit bien de la cristallisation du contraste politique qui aboutira à la Lettre apologétique de l’abbé Raynal’ (pp. 28–29). Outil de travail, cette édition sera une ressource utile et détaillée pour les spécialistes de l’œuvre de Diderot.

Edward Ousselin
Western Washington University
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