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  • Hélisenne de Crenne: Les Épîtres familières et invectives; Le Songe
  • Séverine Genieys-Kirk
Hélisenne de Crenne: Les Épîtres familières et invectives; Le Songe. Édité par Jean Philippe Beaulieu. (La Cité des dames). Saint-Étienne: Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008. 190 pp. Pb €12.00.

Hélisenne de Crenne, une des premières voix du lyrisme féminin à se faire une place dans le champ littéraire de son époque, est principalement connue pour ses Angoisses douloureuses qui procèdent d’amour (1538), récemment rééditées dans la série La Cité des dames (2005). Ses autres écrits sont arrivés jusqu’à nous, grâce notamment à la publication en 1543 d’une anthologie contenant toutes ses œuvres, réimprimée en fac-simile (Genève: Slatkine, 1977), et plus récemment de plusieurs éditions modernes séparées — Les Epistres familières et invectives (Presses de l’Université de Montréal, 1995; et Honoré Champion, 1996) et Le Songe de madame Hélisenne (Honoré Champion, 2007). La nouvelle édition annotée de Jean-Philippe Beaulieu est donc bienvenue. Fidèle a ux [End Page 84] textes d’origine, la présente édition, accompagnée d’un glossaire et de notes non envahissantes, permettant une lecture fluide, révèle une voix au féminin polyphonique s’inscrivant dans les multiples facettes du grand débat qui marquera l’émergence de la modernité, celui de La Querelle des femmes. Si dans les Épîtres familières (1539), d’où se dégage un sens de l’amitié et de la solidarité féminines, l’auteure s’érige bien souvent en confidente avertie, en image même de la sagesse, implorant, par exemple, une amie de ne point se laisser égarer par quelque passion amoureuse illicite, dans ses Épîtres invectives (1539), série épistolaire composée des réponses qu’elle fait à son époux, elle dénonce les préjugés d’une société phallocentrique. Regorgeant d’un humour par lequel elle nous laisse entendre les paroles de son irrespectueux conjoint envers les femmes, elle manie les armes de Dame rhétorique avec une férocité sans égale. Cherchant à réhabiliter le ‘sexe mulièbre’, les quatre premières épîtres examinent et déconstruisent un pan du discours misogyne qui caractérise celui de son mari, et pour ce faire use de diverses techniques, dont le catalogue des femmes illustres. Son érudition et sa maîtrise de la rhétorique sont confirmées dans son dernier texte, Le Songe (1540), mise en scène d’un dialogue entre l’auteure et diverses entités allégoriques sur le thème de l’amour, où s’y prolonge la réflexion qu’elle entamait dans les écrits pré-cédents sur ‘la condition féminine’ (p. 155), et notamment sur ‘la vulnérabilité des femmes à la sensualité’ (p. 14). Après le récit douloureux qu’Hélisenne fait de la passion amoureuse dans ses Angoisses douloureuses, Le Songe scelle un parcours de réflexion sur l’amour, empreint d’une philosophie humaniste, qui n’est pas sans annoncer ces fins de romans du dix-septième siècle dits ‘précieux’ où l’héroïne préfère renoncer à l’amour et se vouer à une vie spirituelle. Ainsi, cette édition modernisée des textes contenus dans le recueil de 1543, destinée à un large public, notamment un public d’étudiants et d’enseignants de la littérature de la Renaissance, offre pour la première fois dans un format accessible à tous une vue d’ensemble sur l’écriture ‘hélisénienne’, dont l’une des originalités est précisément cette prise de parole aux accents féministes, rappelant sa prédecesseuse Christine de Pisan, ou encore ses contemporaines Catherine Des Roches, Louise Labé et Marguerite de Navarre.

Séverine Genieys-Kirk
University of Edinburgh
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