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  • Comment Marcel devient Proust: enquête sur l'énigme de la créativité
  • Kathrin Yacavone
Comment Marcel devient Proust: enquête sur l'énigme de la créativité. Par Thierry Marchaisse. Paris: Epel, 2009. 140 pp. Pb €19.00.

Ce bref essai de Thierry Marchaisse présente une réflexion passionnante sur la question qui ne cesse de hanter la critique proustienne depuis que Barthes l'a mise en jeu en 1967: quel est l'événement décisif qui a déclenché la création d'À la recherche du temps perdu? Comment Marcel est-il devenu Proust? Si, pour Barthes, Ténigme de la créativité' est restée insaisissable, Marchaisse quant à lui avance l'idée que la science des géomètres fournit un modèle convaincant pour élucider la construction narrative de la Recherche et par conséquent l'idée fondamentale qui a lancé sa création. Comme point de départ, Marchaisse s'appuie sur la fameuse lettre de Proust à son futur éditeur Jacques Rivière du 6 février 1914 dans laquelle Proust fait référence au côté [End Page 116] 'dogmatique' de son œuvre. Marchaisse prend l'aveu de Proust àla lettre et met en place des analogies éclairantes entre la construction narrative de la Recherche et la démonstration mathématique comme technique destinée à apporter la preuve d'un théorème. Cette méthode ouvre de multiples perspectives nouvelles sur l'œuvre de Proust, même si l'analyse de sa double structure qui est au centre de la première partie du livre se situe apparemment dans le sillage des travaux de Genette. Ainsi la 'métalecture' de la Recherche sert à Marchaisse de fil conducteur de son analyse pour mettre en valeur cette construction dogmatique qui se présente sous forme d'un processus d"auto-aveuglement' (p. 20). En se plongeant dans la structure profonde de la Recherche, Marchaisse aboutit àmi-chemin au point crucial de son propos: la construction du récit proustien imite et internalise une 'double opération de torsion' (p. 80) qui peut être visualisée par un modèle tridimensionnel, àsavoir le ruban de Möbius. Cette structure est en mesure de nous fournir un modèle pertinent pour aborder la complexité du fonctionnement des deux 'côtés' narratifs chez Proust. En somme, Marchaisse montre d'une façon convaincante la pertinence d'une métalecture de la Recherche, mais son dernier chapitre, qui justifie sa méthode, semble rajouter encore un degré supplémentaire à son discours déjà 'métadémonstratif' (p. 127). Si cette lecture mathématique de Proust peut au premier abord surprendre, voire rebuter, une partie de la critique littéraire, il faut souligner que Marchaisse réussit toujours à expliquer ses thèses grâce àla clarté de sa pensée et de son style synthétique. S'il y a une critique à lui adresser, cela s'appliquerait au fait que même si Marchaisse admet que la démonstration proustienne ne fonctionne qu'à travers la structure narrative, il risque de faire subir à toute énonciation dans la Recherche sa propre démonstration, ce qui expose une tendance à la voir comme un casse-tête géométrique. A cet égard, l'analyse de Marchaisse aurait profité d'une lecture plus approfondie des moments narratifs où le 'ruban de Proust' fait torsion. Pourtant, il s'agit d'un bel essai qui nous donne envie de re-lire la Recherche, car finalement il s'adresse aux proustiens qui connaissent les problèmes narratifs qu'elle pose, plutôt qu'à ceux et celles qui veulent le devenir.

Kathrin Yacavone
University of Edinburgh
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