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  • Instituer un 'art': politiques du théâtre dans la France du premier XVIIe siècle
  • Gilles Siouffi
Instituer un 'art': politiques du théâtre dans la France du premier XVIIe siècle. Par Déborah Blocker. (Lumière classique, 83). Paris: Honoré Champion, 2009. 544 pp. Hb €80.00.

Au début du dix-septième siècle, à la différence de l'Espagne ou de l'Angleterre, la France ne jouit pas d'une pratique théâtrale véritablement professionnalisée ou 'institutionnalisée'. Le propos du livre de Déborah Blocker, issu d'une thèse soutenue en 2001 sous la direction d'Alain Viala, est de mener l'enquête sur ce moment, beaucoup moins connu et documenté que celui qui suivra à partir des années 1650. La méthodologie s'inscrit dans le cadre des travaux du Groupe de Recherches Interdisciplinaires sur l'Histoire du Littéraire (GRIHL; Écoles des hautes études en sciences sociales et Paris 3), et revendique de s'éloigner de ce que l'auteur appelle 'le présupposé esthétique' en histoire littéraire. L'hypothèse défendue ici est que 'la constitution du théâtre en "art" fut en elle-même le fruit d'une série d'interventions politiques' (p. 25). L'importance du théâtre aux yeux du pouvoir monarchique a été étudiée sur une période plus tardive par Jeffrey S. Ravel dans The Contested Parterre: Public Theater and French Political Culture, 1680-1791 (Ithaca, NY: Cornell University Press, 1999), mais rien de semblable n'avait été entrepris sur la première moitié du siècle. Il faut dire que, comme le souligne l'auteure, si, à partir de la fondation de la Comédie-Française (1680), les sources sont abondantes, on ne dispose avant cela que des seuls documents du minutier central des notaires parisiens aux Archives nationales. C'est un travail délicat de faire l'histoire sociale et politique du théâtre à cette époque, donc. Aussi le pari de l'auteure, dans une perspective finalement plus littéraire qu'historienne, est-il de défendre sa thèse en s'appuyant essentiellement sur des textes théoriques et, selon la méthode du GRIHL, en dessinant très minutieusement les positionnements sociaux et politiques des acteurs clés du processus. Ainsi le premier chapitre est-il centré autour de Jean Chapelain; le deuxième autour des textes qui ont 'réglé' les pratiques: ceux de Scudéry, Sarasin, La Mesnardière et D'Aubignac; et le cinquième autour de Corneille. Au centre, deux chapitres sont consacrés aux relations les plus directes qu'on peut retracer entre Richelieu et le théâtre: ses expérimentations propres et son action de bâtisseur d'un côté (Chapitre 3), et la déclaration royale du 16 avril 1641, par laquelle il fut entrepris de légiférer sur le statut des comédiens. Le propos de l'auteure est de construire un lien — plus qu'un parallèle — entre l'énonciation des 'règles' et de la 'doctrine' en poétique d'un côté, et l'entreprise politique de Richelieu. Il s'agit là d'une vraie thèse, qui n'est pas nécessairement appelée par de nombreux documents [End Page 91] directement exploitables, et qui nécessite une lecture spécifique et très subtile de textes dont nous connaissons le caractère souvent retors. Plus largement, l'ambition du livre — développée en termes généraux dans bien des pages — est d'aider à restituer une compréhension de l''art', au dix-septième siècle (et ici l'auteure tient à conserver les guillemets tout au long de son travail), fondée sur un réglage et une institution qui n'ont pas seulement une valeur interne à l'œuvre. Il apporte en cela un éclairage stimulant.

Gilles Siouffi
Université Paul Valéry, Montpellier
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