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  • Corneille à l'École républicaine: Du mythe héroïque à l'imaginaire politique en France 1800-1950
  • Edward Ousselin
Corneille à l'École républicaine: Du mythe héroïque à l'imaginaire politique en France 1800-1950. By Ralph Albanese. Paris, Harmattan, 2008. 364 pp. Pb €32.00.

Après Molière (Anma Libri, 1992) et La Fontaine (voir FS, LIX.2 (2005), 268–69), voici donc l'auteur du Cid 'à l'École républicaine'. Ralph Albanese continue ainsi son analyse historique de l'héritage culturel et politique d'auteurs illustres du XVIIe siècle. L'auteur a accompli un travail de bénédictin, traquant les diverses permutations qu'a connues la réception des pièces de théâtre de Corneille à travers les manuels scolaires et les textes d'innombrables critiques littéraires. Ces derniers étant parfois célèbres (Sainte-Beuve, Guizot, Brunetière, Lanson), le plus souvent oubliés. Albanese fournit des descriptions détaillées de leurs évaluations contrastées de l'oeuvre de Corneille, ce [End Page 456] qui mène toutefois à des répétitions, rendant fastidieuse la lecture de certaines sections de ce livre. Le plus souvent considéré comme le chantre de l'honneur aristocratique et de la gloire patriotique, Corneille a longtemps conservé sa place au panthéon littéraire, bien qu'elle paraisse menacée de nos jours. Il n'est guère surprenant que l'exaltation lyrique de la bravoure individuelle, du dépassement de soi qui caractérise les pièces les plus connues de Corneille aient pu inspirer aussi bien des poètes (Péguy) que des hommes d'Etat (de Gaulle). En particulier, 'Corneille fournit à Napoléon un idéal d'action prêt à être exploité' (p. 38). Il est plus troublant de constater qu'un intellectuel collaborationniste—Robert Brasillach, qui fut fusillé en 1945—a pu se servir de Corneille afin de tenter de 'créer une mystique fasciste' (p. 280). Pour sa part, la Troisième République, soucieuse de rétablir une fierté nationale durement éprouvée en 1870, trouva rapidement de multiples sources d'inspiration dans les pièces de celui qui avait pourtant encensé le pouvoir monarchique: 'la place significative de Corneille dans l'École républicaine s'explique en grande partie par la défaite de la guerre franco-prussienne' (p. 306). Dans ce contexte historique, que ce soit pour l'expansion coloniale ou dans la perspective de la Revanche, Corneille avait notamment pour avantage de fournir des modèles d'héroïsme applicables aux nouveaux défis nationalistes: 'Aussi l'École se donne-t-elle pour tâche de former de jeunes Rodrigue' (p. 127). A notre époque, le déclin perceptible de l'oeuvre cornélienne dans les programmes scolaires (Le Cid restant une exception) depuis les années 70 reflète celui des valeurs—l'honneur, l'élitisme, le devoir patriotique—auxquelles le dramaturge reste associé. Dans la der-nière partie de ce survol historique, l'auteur évalue de façon plus succincte le rôle déclinant de l'oeuvre cornélienne dans 'l'imaginaire politique' et la 'mémoire culturelle' de la France depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C'est dans ce chapitre qu'on trouve quelques erreurs mineures: le livre d'Henri Mendras, La Seconde Révolution française, est consacré à la période 1965–1984, et non 1986 (p. 317); le service militaire obligatoire a été supprimé en France en 1997, et non 1995 (p. 327). On peut regretter que ce chapitre soit écourté, et que la question plus générale de l'adéquation de la glorification de l'héroïsme nationaliste dans le contexte actuel de l'Union européenne (question qui se pose également pour le culte de Jeanne d'Arc, par exemple, ou pour les paroles de La Marseillaise) ne soit pas traitée.

Edward Ousselin
Western Washington University
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