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Reviewed by:
  • Chevillard, Echenoz: Filiations insolites
  • Elin Beate Tobiassen
Chevillard, Echenoz: Filiations insolites. Edited by Aline Mura-Brunel. (Series CRIN 540). Amsterdam, Editions Rodopi, 2008. 140 pp. Pb €28.00.

L’étude contient douze articles s’intéressant à la question des influences littéraires au sein de la production romanesque actuelle, représentée notamment par Eric Chevillard et Jean Echenoz. L’objectif critique de l’ouvrage est clairement défini dans l’Introduction d’Aline Mura-Brunel: par la pratique de ‘rapprochements inattendus et insoupçonnés’ les études rassemblées s’efforcent d’instaurer ‘une libre circulation entre les œuvres littéraires’ et de souligner ‘des parentés parfois même contestées entre celles-ci’ (p. 13). Cette approche, ayant le grand mérite de dépasser aussi bien la perspective d’une simple réception historique des textes qu’une poétique strictement intertextuelle, permet de constater la singularité, la complexité, la qualité et, finalement, la pérennité de deux œuvres comptant parmi les plus notables de la littérature française contemporaine. La démarche, par sa recherche critique de l’insolite, pose cependant quelques questions de légitimité interprétative, certaines études proposant des lectures que l’on n’accordera peut-être pas sans résistance à leurs auteurs. Bien qu’elle ne passe pas sous silence ce problème, l’Introduction de l’ouvrage, insuffisamment préoccupée de convaincre les sceptiques, choisit d’y prêter une attention très relative. On regrette ainsi l’absence, au seuil de ce travail collectif, ou à sa clôture, d’une véritable discussion autour de l’herméneutique de la lecture et de l’interaction inévitable entre la subjectivité et l’objectivité dans l’acte de la réception littéraire. Pour donner plus de force persuasive à certaines contributions, il aurait fallu en effet soulever plus explicitement, avec ou après d’autres, la question complexe du lecteur. Dans le chapitre qu’il consacre à la lecture dans son Démon de la théorie, par exemple, Antoine Compagnon montre bien que le problème que pose à la critique littéraire la question du lecteur est loin d’être résolu. Chevillard, Echenoz: Filiations insolites n’a pas su saisir, ou n’a pas voulu saisir, textes littéraires à l’appui, l’occasion d’approfondir et d’affiner les propos de Compagnon, ou d’autres critiques, sur la manière dont l’acte de la lecture [End Page 364] se situe toujours dans une position moyenne, c’est-à-dire dans l’espace intermédiaire entre la donnée de l’œuvre et l’apport personnel de l’interprète. Un dernier regret s’attache enfin au champ d’action trop restreint donné à l’investigation relative aux filiations insolites: tout en voulant concentrer ses recherches autour de parentés littéraires inattendues, rares, voire ‘impensées’ (p. 9), l’ouvrage, paradoxalement, ne s’attache point aux zones d’ombre de l’histoire de la littérature – on retrouve ici essentiellement des noms d’auteurs connus appartenant tous aux histoires littéraires consacrées: Balzac, Gautier, Segalen, pour n’en mentionner que trois. De ce fait, l’étude ne montre pas à quel point la production littéraire contemporaine, précisément par ses affinités souvent inaccoutumées, s’invente, à mille lieues des œuvres reconnues, une filiation éclectique: proposant ce que Bruno Blanckeman, dans Les Fictions singulières: Étude sur le roman français contemporain, nomme une ‘anthologie des ténèbres’, la production romanesque actuelle nous invite à redécouvrir la littérature à côté des usages scolastiques, des lectures officielles et des ‘silences assassins’.

Elin Beate Tobiassen
University of Oslo
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