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  • L’Influence de l’histoire contemporaine dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar
  • Edward Ousselin
L’Influence de l’histoire contemporaine dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar. By Mireille Blanchet-Douspis. Amsterdam, Rodopi, 2008. 513 pp. Hb €100.

Il existe une énigme Yourcenar: une romancière dont la plupart des personnages de premier plan sont masculins (et qui de surcroît reflètent à distance son homosexualité), dont presque tous les livres sont centrés sur l’Europe alors qu’elle s’était durablement exilée aux Etats-Unis, une écrivaine manifestement consciente des enjeux de son siècle mais qui tend à éviter de les représenter directement dans ses ouvrages et qui récuse toute notion d’engagement au sens moderne: ‘L’écrivain n’a pas pour fonction de délivrer la bonne parole et d’indiquer aux hommes la direction à suivre’ (p. 392). [End Page 357] Mireille Blanchet-Douspis éclaircit à travers son étude fouillée certains aspects de cette énigme, qui contribue d’ailleurs à l’attrait que l’auteure des Mémoires d’Hadrien (1951) et de L’Œuvre au noir (1968) continue d’exercer. Notons au passage que le livre de Blanchet-Douspis, dépassant l’objet de son titre, constitue une étude générale de l’ensemble de l’œuvre de Marguerite Yourcenar. L’argumentaire principal de L’Influence de l’histoire contemporaine est cependant que Yourcenar ne doit pas simplement être classée dans la catégorie des écrivains résolument tournés vers le passé, qui ne seraient pas, ou du moins pas assez, de leur siècle: ‘Ainsi dans l’histoire du passé, on découvre aussi une image du présent’ (p. 192). Blanchet-Douspis suit donc à la trace les indices appropriés dans les écrits de Yourcenar et relève également des références dans ses interviews et entretiens, faisant ressortir par exemple son souci, fort moderne, de l’écologie. Travail fouillé qui donne une image plus complète, sinon plus accessible, de celle qui, pour avoir été une des meilleures romancières du vingtième siècle, n’en paraît pas moins issue d’une période plus ancienne aux yeux de nombreux critiques: ‘son travail sur l’histoire s’applique surtout aux événements éloignés dans le temps’ (p. 16). Tel est le sort réservé aux écrivains pour qui le passé demeurerait primordial et à qui il manquerait des marques tangibles d’audace formelle et d’engagement politique, les empêchant par conséquent d’être pleinement de leur temps. Blanchet-Douspis montre que la ‘place singulière’ (p. 438) de Yourcenar parmi les écrivains qui lui sont contemporains constitue un des aspects constants et donc une des clés de son œuvre. Son départ définitif vers les États-Unis a ainsi renforcé à la fois son indépendance en tant qu’écrivain et son niveau de marginalité dans l’histoire des lettres françaises du vingtième siècle. Blanchet-Douspis démêle également les influences philosophiques (parmi lesquelles figurent Nietzsche et Schopenhauer) et religieuses (en particulier le bouddhisme) qui ont contribué à façonner chez Yourcenar le paradoxe d’un humanisme foncièrement pessimiste. Dans le cadre de son analyse du Coup de grâce (1939), l’auteure s’attache par ailleurs à défendre Yourcenar, à travers une argumentation solide, contre des accusations d’antisémitisme et de collusion avec le fascisme. On peut reprocher à l’étude de Blanchet-Douspis une tendance certaine à la répétition, plusieurs thèmes chers à Yourcenar étant réexaminés, il est vrai sous des angles différents, dans diverses sections du livre. La valeur du minutieux travail de recherche, digne de celui de son modèle, auquel s’est astreinte l’auteure n’en reste pas moins évidente.

Edward Ousselin
Western Washington University
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