Rotrou, dramaturge de l’ingéniosité (review)

Le livre coécrit par J.-Y. Vialleton et St. Macé est un livre utile. À double titre, puisqu’il concerne à la fois spécifiquement les candidats à l’agrégation de Lettres 2008 (d’où une seconde partie de l’ouvrage, ‘Exercices’, de 32 pages), et plus géné-ralement tout lecteur curieux qui voudrait se familiariser avec la dramaturgie de Jean Rotrou par le biais de trois de ses œuvres: Antigone, Le Véritable Saint Genest, Venceslas. La première partie (105 pages) brosse ainsi un panorama de l’œuvre de Rotrou et de son insertion dans le théâtre de son temps (chapitres 1 à 3) avant de s’attacher aux trois pièces citées (chapitres 4 à 8) et à leur ‘fabrique’. Sont alors successivement passés en revue ‘La construction des intrigues’, ‘Les caractères des personnages et leurs émotions’, ‘La poétique du temps et de l’espace’, ‘Les pièces comme poèmes’ et enfin ‘Le théâtre et l’existence’. On en retiendra en particulier (au chapitre 4) l’éclairage des textes par leur confrontation avec les théoriciens, ceux du XVII^e siècle et surtout Aristote (pour mieux définir par exemple la nature des tragicomédies et ranger Venceslas parmi elles, pour expliquer le recours à la grâce dans Saint Genest, ou encore faire comprendre l’importance de la metabolè et de la merveille dans la dramaturgie de Rotrou). On pourra également tirer parti de riches mises au point sur la scénographie des pièces et la vraisemblance qui y est mise en œuvre (au chapitre 6) comme de l’étude d’une rhétorique de l’ingéniosité qui donne son sous-titre à l’ouvrage (faisant écho à la dramaturgie de l’ambiguïté chère à J. Morel) et constitue probablement sa plus intéressante originalité (chapitre 7). Outre le balayage des différ-entes interprétations proposées par la critique, l’ouvrage propose une réelle actualité de Rotrou, dans le sillage du colloque organisé à Tours en 2005 qui a permis de revaloriser un dramaturge injustement méprisé (actes publiés dans Lit-tératures classiques, 63, automne 2007) et avant les festivités de son quadricentenaire prévues à Dreux en 2009. On soulignera ici la volonté de penser les difficultés de l’œuvre rotrouesque à rebours de la vulgate. Car en dépit de sa visée volontairement limitée, ce livre fait preuve d’une hauteur de vue et d’une érudition remarquables qui permettent de rendre aisément accessibles, entre autres, la subtilité de la notion de baroque, les conditions théâtrales contemporaines, les options rhétoriques àla disposition des auteurs, etc. Enfin, pour compléter les nombreuses et précieuses références utilisées au fil du texte (tant françaises qu’anglo-saxonnes), l’ouvrage, qui se veut éminemment apéritif, présente une bibliographie sélective, partiellement commentée dans ses dernières pages.