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  • Lorand Gaspar:Poésie à la rencontre des sciences neurocognitives
  • Glenn Fetzer

En tant que médecin, Lorand Gaspar inscrit son œuvre créatrice dans une perspective qui est informée par des liens étroits avec les sciences. Les bases de cette perspective reposent, de plus, sur des réflexes humanistes. Dans un passage sur les distances entre les sciences et la maladie, le médecin constate "qu'il ne s'agit pas de rejeter ce savoir [la science], bien au contraire, c'est de l'étendre et de l'approfondir dont nous avons besoin pour mieux comprendre celui qui vient chercher de l'aide auprès de nous."1 Et il poursuit cette idée en la reprenant sommairement: "Il ne s'agit pas de communiquer les émotions mais une présence humaine ouverte à l'autre humain, individu à part entière."2 Compréhension, réflexion, ouverture: ce sont quelques-unes des caractéristiques non seulement de l'humaniste qu'est Lorand Gaspar mais aussi du chirurgien et de l'écrivain.3

La présence des sciences dans l'œuvre du poète est bien connue, et la place des neurosciences en particulier est citée par Michel Ledoux qui, en esquissant quelques-unes des avancées scientifiques des neurosciences dans les dernières décennies du vingtième siècle, soutient que les nouvelles perspectives ainsi suscitées sont présentes dans l'œuvre de Lorand Gaspar.4 Plus précisément, Ledoux remarque dans les poèmes plusieurs allusions au domaine neurologique, comme dans les vers suivants:

Mots et images,idées de mots de d'images,se composent, s'articulent, se dénouent,molécules vivantes de la vieréseau mobile de cris, de lueurs,de noeuds d'énergied'un flux continu [End Page 127] que ne peuvent figurer les imagesque ne put imaginer le cerveauni même la vitesse des rayonscroisés de milliards de neuronesou les lavis de vols d'hirondellespourtant, quelque partc'est la même chose.5

L'empreinte des neurosciences dans ce poème, grâce aux références aux neurones, au cerveau, et au fonctionnement des images, témoigne de la connaissance qu'a le poète des systèmes de liage qui constituent l'être humain. Pour cette étude, cependant, on aura recours à un livre plus récent pour comprendre comment les neurosciences répondent à la vision du monde de Lorand Gaspar.

L'ouvrage collectif L'Intelligence du stress, édité par Jacques Fradin et sorti en 2008,6 présente des recherches scientifiques sur la capacité de l'humain pour la réflexion et l'action. Tout remonte à la question du stress, à ses effets sur l'organisme, et à l'imagerie cérébrale qui le représente. Selon l'étude, le stress "signale une persévérance non adaptive de notre mode automatique face à une situation nouvelle et/ou complexe qui nécessite le recrutement de notre mode préfrontal."7 Proposant un modèle qui décrit le fonctionnement du cerveau dans un état de stress, les auteurs de l'étude développent une méthode qu'ils appellent la "Gestion des Modes Mentaux" (GMM),8 qui a pour but de faciliter l'accès du préfrontal à la conscience. Or, il faut noter que depuis 2002, le chirurgien à la retraite travaille comme chercheur en neurosciences cognitives dans l'équipe animée par Fradin à l'Institut de Médecine Environnementale.9

Quant à la Gestion des Modes Mentaux (GMM), que les auteurs définissent comme "une synthèse de connaissances neuroscientifiques [. . .] sur le préfrontal, ainsi que [des] travaux de recherche clinique depuis plus de quinze ans,"10 deux modes en font partie: Le Mode Mental Automatique (MMA), et Le Mode Mental Préfrontal (MMP). Le premier, le MMA,11 est binaire: il agit et réagit selon un état d'esprit bifurqué. Ainsi il est caractérisé par la routine, le refus (la résistance au changement), la dichotomie (la tendance à tout remettre en termes de dualité), la confiance dans les certitudes, l'empirisme (la préférence pour l'utile et, par contre, l'aversion pour la réflexion...

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