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  • La Danse des Représentations, tentative de peindre ce qui n'est plus:Une étude de Khadra, danseuse Ouled Naïl
  • Carla Calargé

My whole point about this system is not that it is a misrepresentation of some Oriental essence—in which I do not for a moment believe—but that it operates as representations usually do, for a purpose, according to a tendency, in a specific historical, intellectual, and even economic setting.

—Edward Saïd, Orientalism 273

En dévoilant le caractère intime des relations qui existent entre culture et impérialisme, Edward Saïd a montré qu'il n'est pas toujours besoin de fusils et de canons pour exercer une domination. Car une domination n'est jamais complète si elle n'opère qu'au travers des armes, l'action de celles-ci étant et devant nécessairement être complétée et consolidée par celle de la culture. Par conséquent, le projet impérialiste atteint son apogée lorsqu'il parvient à se passer des armes pour ne s'appuyer que sur la culture comme instrument de domination. En effet, le pouvoir corrosif des représentations de l'Autre (qu'elles soient d'ordre discursif, pictural, filmique ou autre)—surtout lorsqu'elles s'arrogent le monopole représentatio nnel et qu'elles se déploient sans qu'aucune instance critique ne les remette en question—est tel que la représentation parvient non seulement à se substituer au référent dans l'imaginaire des récepteurs et qu'elle devient par suite synonyme de vérité, mais qu'elle parvient surtout, et très souvent, à changer la réalité même, de sorte que cette dernière se conforme à la représentation qui en est faite. En d'autres termes, le pouvoir de la représentation est tel que la vérité relative au référent devient secondaire. Bien plus, la réalité de ce référent devient tributaire de sa représentation en ce sens que le référent subit des transformations qui sont dictées ou déterminées [End Page 201] par sa représentation et qui fonctionnent pour combler le fossé qui l'en sépare.

C'est à travers le prisme d'une telle approche que cette étude se propose d'aborder un roman de la période coloniale, Khadra, danseuse Ouled Naïl, publié en 1926 à Paris, aux éditions Piazza. Le texte du roman est co-rédigé par le peintre orientaliste Etienne Dinet et son ami algérien Sliman Ben Ibrahim. Dans sa biographie de Dinet, Denise Brahimi avance que le roman est "donné comme terminé à Bou Saâda le 15 aout 1909" (74), qu'il est édité une première fois en 1910, et qu'il est réédité en 1926 dans une version luxueuse agrémentée par l'incorporation de seize aquarelles et de nombreuses calligraphies réalisées par Dinet. À l'époque, celui-ci vit depuis 1904 à Bou Saâda (ville du Sud algérien), après s'être converti à l'Islam, avoir appris l'arabe et "approfondi sa connaissance des Arabes sahariens en explorant leur imaginaire, leurs légendes et leurs récits" (Brahimi 74). La présente analyse examine la version illustrée de 1926.

L'histoire de Khadra est celle d'un amour malheureux entre une danseuse Ouled Naïl et un jeune nomade du Sahara, Ben Ali, obligés tous deux de s'enfuir à plusieurs reprises à cause de l'impossibilité de leur amour. Leurs pérégrinations les entraînent dans plusieurs villes du sud algérien: El Guérara, Ghardaia, Ouargla, et Biskra avant qu'ils ne retournent à Bou Saâda où le lâche assassinat de Ben Ali provoque la folie de la jeune danseuse. Le roman se veut bien disposé à l'égard des Arabes, exaltant leurs vertus et déplorant la déchéance des danseuses Ouled Naïl de par leur marchandisation par l'industrie touristique et leur avilissement au statut de vulgaires prostituées exotiques. L'œuvre produit également un discours mélioratif vis-à-vis des nomades ce qui n'est pas sans aller à l'encontre de toute la tradition discursive...

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