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  • Passant de la lumière:un texte "photographique" de Béatrice Bonhomme
  • Geneviève Guétemme

Béatrice Bonhomme s'intéresse depuis longtemps aux liens qui unissent le visuel et le verbal et elle associe régulièrement des images à certains textes. En 2008, elle publie un recueil, intitulé Passant de la lumière, qui s'ouvre justement sur un autoportrait dessiné de son père: Mario Villani. Il était peintre et les poèmes lui sont dédiés. Mais au-delà de cette dédicace, le frontispice graphique place les six poèmes du recueil sous le signe de la légèreté d'un trait de crayon dont le but est d'offrir des "lignes qui effacent et dépassent la mort."1 Par ailleurs, le regard du peintre: celui qui regarde avec la lumière et qui, d'une certaine manière, comme le signale le titre, est de la lumière, devient notre guide pour transformer les textes en "images-lumière." En fait, ce portrait désigne le peintre et son dessin comme des passeurs capables de transformer les poèmes en textes graphiques et lumineux: des textes visuels quasiment "photographiques."

Autrement dit, la présence de ce frontispice pose la question du rapport entre le texte du recueil et la ligne, la lumière et l'écriture de la lumière. Elle suggère l'idée d'un glissement du dessin vers l'écrit, mais aussi de l'écrit vers le dessin et la photographie. Elle interroge, enfin, la nature même du poétique de Béatrice Bonhomme apparemment centré, ici, sur le mélange de la lumière et des mots.

Or, il s'avère que trois poèmes de ce recueil ont été illustrés par des photos et que ces photos essayent, justement, de transformer les textes en "image-lumière" pour nous parler à la fois de poésie et de photographie. Nous proposons de faire l'étude de ces compositions conçues pour "Paysage du corps," "Nidification de la lumière" et "Passage du passereau."

Pour cela, nous essayerons de saisir, dans un premier temps, le rapport [End Page 195] des poèmes à la ligne et à la lumière en posant la question de leur "photographicité." Ces poèmes étant associés à la mort du père, il s'agira par ailleurs de voir ce qui relie cette notion à l'idée de disparition. Le lien entre les images et le texte, leur rapport à la lumière et leur positionnement face à la mort (et à l'art), nous amèneront ensuite à questionner le principe d'une poésie et d'une photographie qui brouillent leurs limites et s'installent dans un "entre-deux": lieu du saisissement photographique d'un texte, à moins qu'il ne s'agisse du saisissement poétique du photographique. Nous examinerons ce saisissement en nous intéressant surtout à la façon dont les trois photographies, élaborées à partir des textes de Béatrice Bonhomme, abordent la notion de passage et la construction d'une mémoire. Et nous essayerons de voir comment ces glissements d'une substance (texte) à une autre (lumière, image-lumière), de la mort au souvenir et de la poésie à la photographie, en jouant sur les mélanges, refusent de figer les rapports entre les mots et les images. Nous nous demanderons enfin, si des mots qui s'approchent du photographique ne sont pas, au fond, toujours, un travail de mémoire.

Texte, ligne et lumière

Le dessin qui ouvre le recueil Passant de la lumière de Béatrice Bonhomme met en avant le blanc lumineux du papier, sur lequel se détache l'ovale d'un visage et l'intensité d'un regard. Ici, le crayon semble vouloir capturer et donner de la consistance au blanc afin de rappeler que c'est la lumière (blanche) qui rend le monde visible. Ce jeu de ligne avec du blanc-lumière se retrouve dans le texte.

Il se retrouve, par exemple, dans le choix d'une typographie simple et légère qui permet à chaque ligne de texte d'être suffisamment aérée pour se...

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