In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • Le véritable exil est toujours intérieurimaginaire et métissage chez les écrivains francophones grecs
  • Efstratia Oktapoda-Lu and Vassiliki Lalagianni

Avec ma gueule de métèque
De juif errant de pâtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents . . .
Je viendrai ma douce captive
Mon âme soeur ma source vive
Je viendrai boire tes vingt ans. . . .

Georges Moustaki, "Le Métèque"1

"Cela me touche, forcément. Considéré-je cette chanson comme un trait d'union entre les étapes de ma vie?" se demande le narrateur dans Les Mots étrangers de Vassilis Alexakis à propos de cette chanson de Moustaki.2 Figure importante de la littérature francophone grecque, Vassilis Alexakis fait de Paris son pôle littéraire de prédilection tout en continuant à "voyager" et à "cohabiter" dans un espace-temps bidimensionnel. Entre les deux capitales européennes, entre Paris et Athènes, le chemin est long, le choix difficile et les voyages multiples.

Quitter son pays pour la France, n'est pas un phénomène exceptionnel. Terre d'immigration à travers les siècles, l'espace français se définit comme l'espace par excellence multiculturel du monde post-moderne. La fascination qu'exerce encore et toujours la France dans la conscience collective se traduit par une multitude d'écrivains qui ont choisi de vivre à Paris et de rédiger—ou de traduire—leur œuvre en français. Au détriment de leur langue maternelle beaucoup d'écrivains ont choisi le français comme langue d'expression. Force est aussi de constater que la production littéraire de la migration non francophone est essentiellement romanesque, forme privilégiée de l'expression identitaire. [End Page 111]

La francophonie en Grèce a des racines profondes; c'est surtout tout au long du XIXe siècle que la culture française influence le paysage intellectuel grec.3 Au XXe siècle la création littéraire francophone demeure également importante. Dès le début du siècle, à cause de la défaite en Asie Mineure et des troubles politiques, de nombreux écrivains essaient de s'évader de la réalité, émigrent en Europe occidentale et en France, font du français leur langue d'expression, écrivent des livres sur la Grèce en dehors de ses frontières.

L'objectif de notre étude consiste à analyser comment sont abordés les problèmes de l'identité, problèmes inhérents, dans la vie réelle, à toute situation de migration et d'exil. Nous allons examiner par quels moyens littéraires la crise identitaire animée par la migration et l'exil est présentée et traitée dans l'oeuvre de certains écrivains francophones grecs, quel questionnement idéologique et ontologique elle éveille, et quelles sont les réponses proposées par ces écrivains qui ont eu leur propre part d'expérience migratoire.

Entraînant une rupture avec son milieu et les modèles où l'individu a été socialisé, la migration constitue une situation de crise pour l'identité, étant un changement "d'une telle importance qu'elle ne met pas seulement en évidence mais en péril l'identité."4 Dans ce contexte de crise, le migrant s'interroge sur ce qu'il est par rapport à son passé et à l'espace différent du pays d'origine. Repérable à des degrés différents et sous des aspects diversifiés, s'engageant dans des directions différentes, ce questionnement se manifeste dans tous les textes littéraires que nous allons traiter et se trouve à l'origine de la quête identitaire des personnages qui découvrent différentes formes d'étrangeté autour d'eux et en eux-mêmes.5

Au sein de la diaspora francophone grecque, plusieurs noms retiennent tout particulièrement notre attention: Vassilis Alexakis—le cas le plus représentatif de la francophonie grecque et de la problématique de l'exil intérieur en particulier—Marguerite Liberaki,6 Lilika Nakos, Blanche Molfessis, Gisèle Prassinos, Clément Lépidis, Mimika Kranaki . . . Autant d'écrivains que de parcours. Toutefois, le choix est déterminant de la place faite à l'époque contemporaine dans une perspective particulièrement...

pdf

Share