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French Forum 28.3 (2003) 124-125



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Sidonie Rivalin-Padiou. André Gide: A corps défendu. Paris: L'Harmattan, 2002. 363 pp.

Tout écrivain qui parle du corps parle également de lui-même et de son époque. Dans le cas d'André Gide, la parole est singulièrement révélatrice, vu l'importance pour lui du corps vécu ou littéraire et des tensions qu'il désigne et institue. Comme le rappelle Sidonie Rivalin-Padiou dans son excellent ouvrage, Gide a publié Saül après Les Nourritures terrestres, La Porte étroite après L'Immoraliste. C'est l'homme des antinomies.

Première étude consacrée au corps chez Gide, le livre de Rivalin-Padiou fait plus qu'en illuminer la nature et le rôle. Il éclaire aussi le style de l'écrivain, qu'on a finalement bien peu étudié, et il invite à réfléchir sur l'évocation du corps en général. Dans une première partie, l'auteur examine les sources ainsi que l'élaboration des images gidiennes du corps, à partir de l'histoire individuelle de Gide et des représentations collectives qui entoure sa formation: emprise du puritanisme; milieu féminin; idéologie bourgeoise avec sa phobie de l'homosexualité et de l'onanisme; explosion du discours scientifico-moralisateur sur le sexe mais influence aussi, avant Les Nourritures, du symbolisme puis du naturisme, de l'érotisme fin-de-siècle, d'Oscar Wilde. La deuxième partie [End Page 124] considère la libération de Gide, son épanouissement sensuel et son exaltation du corps. Rivalin-Padiou fait d'abord ressortir le goût de son protagoniste pour les départs et les voyages aussi bien que la fonction rédemptrice de la maladie et le développement d'une voluptueuse morale corporelle. Elle discute ensuite l'érotique gidienne. La relation hétérosexuelle y est un échec. L'Agapè et l'Eros s'y trouvent dissociés. L'onanisme, la pédérastie (bien éloignée du modèle grec), le plaisir scopique y triomphent. Enfin, la troisième partie, qui est aussi la plus longue, caractérise l'écriture gidienne du corps et ses oscillations entre le voile et le dévoilement, la parade et la discrétion.

Avec rigueur, finesse et acuité, l'auteur montre comment le corps (homosexuel) chez Gide devient à la fois le moteur et le signe de sa libération et de sa dissidence. Il nourrit, il féconde l'œuvre. Il sous-tend l'écriture gidienne et en élucide le recours à l'ironie, l'obliquité, l'ambiguïté de même qu'il en illumine la correction. "Tout s'est passé, disait Jean Delay que cite Rivalin-Padiou, comme si Gide avait voulu rédimer la peccabilité du fond par l'impeccabilité de la forme, remplaçant en quelque sorte le puritanisme du protestant par le purisme de l'écrivain, la moralité des moeurs par la moralité d'un style." Les pages consacrées au rôle de la main (instrument de jouissance ou de souillure, de rejet ou de fusion) et, plus généralement, à l'anatomie du corps gidien, les remarques sur le fantasme de vaporisation, de dissolution corporelle à force de sensation, sur la prédilection pour la caresse furtive ou sur l'enfance et les enfants méritent spécialement l'attention. Par-dessus tout, peut-être, le portrait de la femme—indésirable, importune, intruse, menaçante—me semble juste et riche. D'un bout à l'autre, André Gide: A corps défendu est nourrissant.



Gerald Prince
University of Pennsylvania


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