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French Forum 28.2 (2003) 77-98



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Le Métro parisien
Figure de l'exotisme postcolonial

Koffi Anyinefa


Comment penser l'exotisme et le postcolonial en même temps? En d'autres mots, est-il possible de lier ces deux concepts à première vue si diamétralement opposés? En effet, pris dans son sens général (du moins celui que lui attribuent couramment les études littéraires et culturelles contemporaines) de la représentation (surtout dépréciative) que s'est faite l'Europe des peuples non-européens, l'exotisme ferait difficilement lit avec la notion, elle aussi généralement acceptée, de postcolonialisme. Ce concept-ci présuppose une pratique d'écriture et de lecture dévoilant et condamnant les structures de domination et de subordination des discours culturels s'originant dans l'histoire du colonialisme européen. 1 Dans ce sens donc, l'exotisme serait «colonialiste», et le postcolonialisme, dans son attitude critique du colonialisme et de ses incidences, son antinomie.

Cependant, ce conflit dialectique apparent peut être abrogé en dépouillant, comme l'écrit Victor Segalen, «le mot d'exotisme de son acception seulement tropicale» (Segalen, 36), et en le définissant comme «la sensation d'Exotisme; [comme] la notion du différent; la perception du Divers; la connaissance que quelque chose n'est pas soi-même; et le pouvoir d'exotisme, [comme] le pouvoir de concevoir autre» (Segalen, 36). En d'autres termes, il s'agit de rendre à ce mot sa signification d'origine. Redéfini ainsi, débarrassé de ses relents colonialistes, l'exotisme devient un outil analytique grandement opératoire dans la représentation de l'Autre.

Dans Victor Segalen and the Aesthetics of Diversity, Charles Forsdick souligne à juste titre le regain de popularité que connaît actuellement le terme exotisme dans de nombreux domaines de la connaissance (anthropologie, critique littéraire, sociologie, architecture, histoire coloniale), phénomène qu'il attribue en partie à la redécouverte des idées de Segalen: [End Page 77]

Recent advances in the theorization of the exotic [... ] have led to the development of exoticism as a relativist analytical tool used to explore the wider phenomenon of the representation of the foreign in literature. This rehabilitation of the term and allied attempts to use it in analyses of historical process of contact between radically different cultures (as well as contemporary versions of these contacts) have nevertheless been complicated by an awareness of the continued ambivalence attached to the notion of exoticism, which in certain uses has clear overtones of imperial nostalgia. (Forsdick, 24)

Il est certainement difficile de se départir du contexte historique de l'émergence du terme et surtout de celui de son accréditation (qui est, rappelons-le, celui de l'impérialisme européen) pour le redéployer à d'autres fins. Cependant, compris selon cette perspective, disons neutre, le concept permet son ouverture à l'intervention des anciens peuples colonisés dans le domaine de la représentation de l'Autre. C'est ce qu'a bien compris Jean-Paul Sartre dans sa célèbre préface à l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de Léopold Sédar Senghor: «Voici des hommes debout qui nous regardent et je vous souhaite de ressentir comme moi le saisissement d'être vus. Car le blanc a joui trois mille ans du privilège de voir sans qu'on le voie [... ] Aujourd'hui ces hommes noirs nous regardent et notre regard rentre dans nos yeux» (Senghor, ix).

Ce regard 'exotique' de l'ex-colonisé a souvent été (et est encore) critique de celui qu'a posé (que pose) sur lui l'Européen. Cet exotisme de 'renvoi,' 2 antagoniste dans son essence, peut ainsi se définir comme postcolonial. L'exotisme postcolonial en littérature serait donc l'objet
de tout discours culturel portant sur les ex-métropoles et qui émanerait de ressortissants d'anciennes colonies. Ce discours articulerait une représentation de l'Autre européen à partir d'un point de vue pouvant être construit comme critique. Il s...

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