Abstract

Dans La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, roman qui fut ressenti par toute son époque comme résolument moderne, l'ancien idéalisme romanesque issu de L'Astrée se trouve à la fois dépassé et relancé à travers une puissante réactivation de la dialectique platonicienne de l'amour. L'approche sensationniste des rapports entre sensibilité et conscience passionnée, alors courante dans la fiction libertine, y est combattue par la mise en scène très concertée du primat du sentiment sur la sensation et de l'accent sur la représentation, et par la démonstration de ce que l'intériorité passionnée de l'âme sensible est bien pour elle toute la réalité: les suites problématiques des expériences de M. de Wolmar avec l'imaginaire mémoriel des héros illustrent ce qu'on risque, par conséquent, à manipuler les êtres en négligeant la spiritualité de leurs affects (et révèlent au passage la familiarité méconnue de Rousseau avec l'enseignement classique des Arts de la mémoire). On constate enfin la puissante capacité d'exploration artistique du temps subjectif qu'a permise, bien avant Les Confessions, une assomption à la fois méditée et vécue de la thèse lockienne sur le fondement mémoriel de l'identité personnelle.

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