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Reviewed by:
  • Le Récit génétique au XVIIIe siècle
  • Marc Escola (bio)
Le Récit génétique au XVIIIe siècle par Jan Herman Oxford: Voltaire Foundation, 2009 [SVEC 2009:11]. x+258pp. £60;70€;US$105. ISBN 978-0-7294-0986-5.

L'objet de l'enquête de Jan Herman dans ce nouveau livre consacré au roman des Lumières est aussi simple que subtil, et aussi passionnant que révélateur: « la rencontre d'un enfant trouvé et d'un manuscrit trouvé sur une même page d'écriture » (6). Comment comprendre en effet la récurrence de ces deux motifs tout au long d'un grand XVIIIe siècle, et leur régulière concomitance au sein des mêmes fictions narratives? Spécialiste des préfaces romanesques (dont il a naguère réuni deux impressionnantes anthologies, avant de cosigner plus récemment avec M. Kozul et N. Kremer un essai intitulé Le Roman véritable: Stratégies préfacielles au XVIIIe siècle, SVEC 2008:08), J. Herman fait l'hypothèse que la figure de l'enfant trouvé est à comprendre comme métaphore des « problèmes fondamentaux qui ont nourri les querelles entre romanciers et critiques dont s'est entourée la vogue du roman-mémoires entre la fin du XVIIe siècle et le début du XIXe » (3); le topos du manuscrit trouvé relevant de la même métaphore parentale, le genre romanesque, en conjuguant ces deux motifs, poserait ainsi doublement la question de sa légitimité ou de sa « reconnaissance » dans le système des genres: « reconnaissance d'un père/auteur de son enfant/manuscrit en amont, reconnaissance par la société/le public d'un enfant/livre en aval »: « En amont, l'enfant-texte est confronté au problème de sa crédibilité: un manuscrit trouvé est-il fiable, quelle valeur attacher aux paroles d'un enfant trouvé? En aval, l'enfant/ texte se heurte à un problème de légitimité: qui adopte l'enfant, en lui donnant un statut dans le système social hiérarchisé de l'époque? » (7). Le corpus retenu tient dans une douzaine de titres, qui donnent lieu à autant d'études de cas réunies dans la seconde partie de l'ouvrage: depuis les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière (1672) de Mme de Villedieu jusqu'au Manuscrit trouvé à Saragosse de J. Potocki (1804 et 1810 pour les deux versions successives), en passant par « l'Histoire de Sylvie et Des Frans » dans Les Illustres françaises de R. Challes, La Vie de Marianne de Marivaux, Cleveland, L'Histoire d'une Grecque moderne ou celle de Mlle Tekely dans Le Monde moral (1763) de l'abbé Prévost, les Lettres d'une Péruvienne de Mme de Graffigny, les Lettres d'Élisabeth-Sophie de Vallière de Mme Riccoboni et les Liaisons dangereuses de Laclos—mais la nébuleuse explorée compte bien d'autres planètes, notamment Manon Lescaut, Aline et Valcour, mais aussi les Nuits de Paris de Rétif de la Bretonne ou les romans de Courtilz de Sandras. [End Page 290]

Si l'ouvrage peut prétendre retracer de proche en proche une histoire des procédures de légitimation et d'accréditation de la fiction narrative de l'âge classique au siècle des Lumières, J. Herman montre d'abord qu'il a le goût de la théorie. La première partie est en effet vouée à forger de nouveaux outils pour l'analyse narratologique, dont on retiendra surtout celui de filigrane; revenant sur la célèbre théorie des niveaux diégétiques élaborée par G. Genette (Figures III, 1972), J. Herman fait valoir que l'un des effets induits par les phénomènes de relais narratifs tient dans « l'inscription [au sein du] texte d'une image des versions antérieures qui ne se lit que par transparence » (36): par exemple, quand un narrateur raconte qu'il a déjà raconté la même histoire, ou lorsqu'un Avertissement invite le lecteur à diff...

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