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Reviewed by:
  • Candide, ou l’Optimisme, seconde partie (1760), traduit de l’allemand de M. Le docteur Ralph
  • Frédéric Deloffre (bio)
Edouard Langille, éd. Candide, ou l’Optimisme, seconde partie (1760), traduit de l’allemand de M. Le docteur Ralph. Essex: University of Exeter Press, 2003. xxvi+89pp. €15.99;US$27.95. ISBN 0-85980-723-0.

Le roman libertin des Lumières retient actuellement l'attention de la critique universitaire. Au Canada, les Presses de l'université Laval ont publié récemment le beau livre de Marc André Bernier, Libertinage et figures du savoir: Rhétorique et roman libertin dans la France des Lumières, 1734–1751 (2001). L'ouvrage il est question ici permet d'étendre à Candide, ou L'Optimisme, seconde partie, réédité par Édouard Langille, maintes réflexions suggérées [End Page 240] par l'ouvrage de Bernier. Mais il présente aussi par lui même un intérêt tout particulier. Son titre seul surprend, puisqu'il annonce une « suite » datée de 1760 du Candide de Voltaire, alors que la version définitive du conte original ne devait paraître qu'en 1761. L'édition que vient de procurer Langille ne déçoit pas cette curiosité.

Elle n'est pas sans précédents. Outre l'originale et plusieurs éditions au XVIIIe siècle, deux ont paru au XIXe siècle, l'une en 1868 par les soins de Jules Janin en 1862, une autre chez Delarue en 1877. Mais il s'agissait de publications plus ou moins fidèles, destinées seulement aux amateurs de curiosa. À l'inverse, Langille procure une édition intégrale, savante, expressément conçue pour le public universitaire. Son but est de faire ressortir, par le contraste entre le Candide 2 et le vrai Candide, le caractère unique de l'original. Ce programme est fort bien exécuté.

L'identification de l'auteur s'imposait d'abord. Écartant Voltaire et Campigneulles, Langille retient à juste titre Du Laurens, déjà nommé par le Dictionnaire universel du XIXe siècle. Cette attribution est sûre. Les seuls rapprochements proposés aux pp. xxi–xxv entre le Candide 2 avec le Compère Mathieu ou Imirce, compositions de Du Laurens, sont décisifs. Du reste, ce que l'on sait de la vie de l'auteur, Laurent dit Du Laurens, né à Douai en 1719, mort en 1797, s'accorde avec ce que fait attendre l'ouvrage. Après avoir fait profession chez les Trinitaires et s'être attiré leur haine, il s'enfuit en 1760 à Paris, puis en Hollande où il travaille à Amsterdam pour Marc Michel Rey à des ouvrages anticléricaux et licencieux. Incarcéré en 1767 à Marienbaum par décret du tribunal ecclésiastique de Mayence, il reste en prison jusqu'à sa mort en 1797, trouvant les moyens de publier encore des ouvrages « satyriques et galants », selon le sous titre de son Portefeuille d'un philosophe (1770). Langille rappelle aussi que Voltaire avait attribué L'Ingénu à « Monsr Laurent » dans une lettre au libraire Lacombe (D14402) écrite pendant le séjour de Du Laurens à Paris: marque qu'il ne devait pas ignorer que ce « moine défroqué » avait pastiché Candide.

À travers cette « suite », il devient effectivement possible aux étudiants et à leurs maitres « d'étudier le chef d'œuvre par le truchement de cette imitation [...], d'apprendre, pour ainsi dire, à apprécier les innombrables richesses d'un texte classique par tout ce qui le transpose » ( ou qui le trahit).

Ce que met d'abord en évidence la comparaison, c'est la « merveilleuse complexité stylistique » de l'original, notée par Sareil et illustrée par Langille, qui cite Du Laurens lui même: celui ci avoue que son propre style est « parfois trop verbeux [...] tantôt raboteux, tantôt noble et élevé, tantôt plat et trivial ». Il y manque aussi la retenue que Voltaire s'impose toujours, même dans les passages les plus scabreux.

La confrontation souligne un autre aspect du Candide 2. C'est le gratuité du récit, « rapsodie d'aventures sans rapports, sans liaisons, sans suites », à en croire encore Du Laurens. Les lieux de scène...

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