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REVIEWS 265 Ange Goudar, L'Espion chinois. Avant-propos de Roger Gouze; éd. JeanFran çois Lhéreté. Bordeaux: L'Horizon chimérique, 1990. 99pp. L'Espion chinois est un ouvrage aussi divers et plein d'imprévu que ne l'est son auteur. Aventurier,joueur professionnel, s'intéressant à l'histoire et à l'économie, libertin comme Casanova qui l'appelle "ce fameux roué" dans ses Mémoires, Ange Goudar est bien un homme de son siècle. Paru en 1764, L'Espion chinois connut immédiatement un grand succès comme l'attestent les neuf éditions successives et les nombreuses traductions dont il fut l'objet. Cette édition contient une quarantaine de lettres alors que l'édition originale en comporte 542, ce qui en réduit quelque peu la portée. L'ouvrage consiste en une correspondance entre deux Chinois envoyés par leur empereur pour découvrir l'Europe et leurs amis demeurés en Chine à qui ils rapportent leurs impressions. On pense immédiatement aux Lettres persanes de Montesquieu. Bien des différences existent pourtant; alors que les Lettres portent sur la fin du Grand Siècle et le début de la Régence, avec L'Espion chinois c'est tout l'Ancien Régime qui est mis en cause. L'ironie y occupe une place de choix et le ton est souvent irrévérencieux. Ainsi, le mandarin Champ-pipi raconte au chef de la religion de Confucius à Pékin qu'étant entré dans une église, il interrogea quelqu'un sur la signification du bénitier à l'entrée. A quoi on lui répondit: "C'est ... le fondement de la religion chrétienne, la fontaine qui purifie les âmes" (p. 34). Plus loin, l'auteur passe à la critique sociale, reprenant presque mot par mot un texte de La Bruyère: "On voit dans les campagnes de la France des animaux qui marchent sur deux pieds qu'on appelle des hommes, mais qui ont à peine une figure humaine" (p. 37). Mais c'est surtout la critique des mœurs parisiennes qui emporte le gros du morceau dans ces lettres. Champ-pipi note que les femmes de la capitale ont la réputation d'être très libres et se laissent facilement séduire; il se plaint d'autre part de l'ascendant qu'elles excercent sur la politique, en particulier sur le monarque qui "confond les devoirs de l'état avec ses plaisirs" (p. 42). Il mentionne surtout la Marquise de Pompadour qui "marque toutes les choses de la vie civile de son nom" (p. 57). Bien d'autres vignettes enrichissent ces textes comme la vogue des cafés à Paris où se réunissent hommes politiques et philosophes, et le penchant des Français pour les plaisirs de la table. Ici, les excès sont notoires; ainsi, ce "seigneur magnifique" qui veut donner "en fruits" un acte de la comédie italienne ... (p. 62). Outre ses observations sur les mœurs de la vie parisienne, dont il faut dire que beaucoup sont loin d'être originales, le principal intérêt de cet ouvrage réside dans sa critique des institutions de l'Ancien Régime. Par exemple, Goudar ne ménage pas son venin à l'endroit des fermiers généraux, "des gens qui louent du roi la permission de tyranniser les sujets" (p. 64). Ce sont eux qui seraient principalement responsables de la disette où se trouve le peuple français. Le spectacle que nous livre Goudar est celui d'une société à son déclin: "ce corps, jadis si robuste, et si vigoureux, est tombé dans un état de langueur" (p. 69). Il refuse néanmoins d'abandonner tout espoir. Vingt ans avant la Révolution, il invoque un principe fondamental qui fera exploser un monde déjà en ebullition: "je voudrais abolir tous les titres anciens afin que personne ne pût en avoir d'autres que ceux de ses vertus personnelles et que chaque citoyen fut le premier descendant de sa race" (p. 83). Ce radicalisme, qui met en question les fondements mêmes de l'Ancien Régime, place Goudar à Gavant-garde de son époque. Cette édition, bien que consid...

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