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Le clergé et l'inceste spirituel dans trois romans du XVIIIe siècle: Le Portier des Chartreux, Thérèsephilosophe et Margot la ravaudeuse Jacqueline Chammas Le XVIII6 siècle et ses mœurs libérées offrent, si l'on en croit le prince de Ligne, aux moines, prêtres et autres gens d'Eglise, l'occasion «d'assouvir leurs infâmes plaisirs»1 et de consacrer à la débauche sexuelle leur temps et leur fortune. Ces soutanes libertines prennent toutefois de grands risques, puisque leur sexualité est prohibée et relève de l'«inceste spirituel». Tout au long du siècle, de grands juristes, aussi bien civils que religieux, s'accordent sur la gravité de cet interdit. Dès 1717, PierreJacques Brillon, avocat au Parlement, définit l'incestueux comme«celui qui s'unit charnellement à sa parente à un degré prohibé, ou qui ayantfaitun vœu solemnel de chasteté, s'abandonne à la fornication ; ou enfin qui abuse d'une vierge qui a fait le même vœu».2 Un demi-siècle plus tard, en 1762, Jean-Antoine Soulatges, avocat au 1 CharlesJoseph, prince de Ligne, Mémoires, Lettres et Pensées (Paris: Bourinjulliard, 1989), p. 799. 2 Pierrejacques Brillon, avocat au Parlement, Nouveau Dictionnaire civil et canonique de droit etdepratique, nouvelle édition revue, corrigée et augmentée (Paris: Nicolas Gosselin, 1717), pp. 513-14. EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 15, Number 3-4, April-July 2003 688 EIGHTEENTH-CENTURYFICTION Parlement de Toulouse, reprend les mêmes termes.3 En 1770, l'abbé Meusy, auteur d'une anthologie des principales ordonnances de la monarchie française, ajoute que «l'inceste du Confesseur avec sa pénitente est puni par le feu».4 En 1780, Muyart de Vouglans, conseiller au Grand-Conseil, entreprend une mise à jour des lois criminelles françaises et éclaircit certains points relatifs à la peine encourue pour un inceste spirituel: À l'égard de l'inceste spirituel commis par le confesseur avec sa Pénitente; quoique sa Peine ordinaire semble devoir être celle du Feu, tant à cause de la profanation du Sacrement, qu'à cause de l'alliance spirituelle que ce sacrement forme entre le Confesseur et sa Pénitente, dont il est le Père spirituel; & qui le rend par conséquent sujet à la même Peine que le seroit un Pere qui commettroit un Inceste avec sa Fille. Cependant, nous voyons d'après les Arrêts qui ont été rendus en cette matière, que la Peine la plus ordinaire de ce Crime est celle de la Potence, & le corps ensuite jeté au feu. Il y en a même qui se sont contentés de prononcer de simples Peines corporelles & afflictives; par la difficulté sans doute d'avoir une preuve bien compiette, que la séduction a été pratiquée dans le Tribunal même de la Pénitente.5 De son côté, l'Encyclopédieassure la diffusion de l'information.6 Il faut savoir aussi que l'inceste spirituel est un crime dit «privilégié», c'est-àdire jugé par un tribunal civil et, précise Brillon, «les clercs incestueux ne sont point reçus à demander leur renvoi devant l'Officiai; c'est lejuge Royal qui les condamne».7 3 VoirJean-Antoine Soulatges, avocat au Parlement de Toulouse, Traité des crimes, tome 1 (Toulouse: Antoine Birosse, Libraire, 1762), p. xii. 4 M. l'abbé Meusy, prêtre du diocèse de Besançon, Codedela ieligion et des mamis ou Recueil des principales ordonnances, depuis l'établissement de la monarchiefrançaise, concernant la Religion et les Mœurs, tome 2 (Paris: chez Humblot, Libraire, 1770), p. 578. 5 Piene-François Muyart de Vouglans, conseiller au Grand-Conseil, Les Loix criminelles de France dans leur ordre naluiel dédiées au Roi (Paris: Merigot le Jeune, Libraire; Crapart, Libraire; Benoît Morin, Imprimeur, 1780), p. 117. 6 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des ails et des métiers, 1765, tome 8, article«Inceste»: «On appelle incestespirituelle crime que commet un homme avec une religieuse, ou un confesseur avec sa pénitente. On donne encore le même nom à la conjonction entre personnes qui ont contracté quelqu'alliance ou affinité spirituelle. Cette affinit...

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