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Reviewed by:
  • Crise des accommodements raisonnables : une fiction médiatique?
  • Pierre Bosset
Maryse Potvin et al. (dir.) Crise des accommodements raisonnables : une fiction médiatique?. Montréal, Éditions Athéna, 2008, 277 p.

Le rôle des médias écrits dans la genèse de la « crise » des accommodements raisonnables vécue par le Québec, particulièrement dans les années 2006 et 2007, fait l’objet d’une analyse critique sobre mais néanmoins fort décapante, dans cet ouvrage basé sur une étude d’abord réalisée par l’auteure et ses collaborateurs pour le compte de la Commission Bouchard-Taylor2.

Dans le discours public et médiatique sur les accommodements raisonnables, il est impossible de ne pas lire, en filigrane, un discours sur le droit. C’est ce que permet entre autres de faire l’ouvrage de Maryse Potvin et de ses collaborateurs, qui relève à proprement parler de la sociologie des médias et de la communication. Sans aborder directement la thématique de la légitimité du droit ou des solutions juridiques, l’ouvrage inventorie néanmoins, classifie et met en perspective le discours médiatique sur les accommodements raisonnables. L’ouvrage pourrait ainsi paver la voie, selon nous, à un autre regard, qui relèverait cette fois plus spécifiquement de la sociologie du droit, et serait alors axé sur le rôle du juridique dans ce que le rapport Bouchard-Taylor a pu qualifier (selon nous, à juste titre) de « crise de perception ».

À travers une analyse de discours, les auteurs passent au crible neuf cas, réels ou allégués, d’accommodements raisonnables traités par la presse écrite québécoise entre mars 2006 et avril 2007. Aussi bien les dépêches d’information que les textes d’opinion (éditoriaux, chroniques, blogues, lettres de lecteurs) sont analysés. La période couverte s’étend du moment où la Cour suprême du Canada rend son jugement dans la célèbre affaire du kirpan3 jusqu’au début des travaux de la Commission Bouchard-Taylor. [End Page 482] Les travaux proprement dits de la Commission, et notamment les audiences publiques de l’automne 2007, qui furent elles-mêmes largement médiatisées, ne sont pas couverts. Les cas les plus connus sont évidemment abordés plus en profondeur, tels ceux du kirpan ou des salles de prière à l’École de technologie supérieure; mais des cas plus périphériques, voire anecdotiques—tels de prétendus cas « d’accommodement » dans les menus des cabanes à sucre!—ne sont pas négligés, pour ce qu’ils peuvent révéler de l’attitude de la presse écrite face à la thématique des accommodements raisonnables. À cet égard, l’ouvrage met en évidence les procédés discursifs (de dichotomisation, de généralisation, de diabolisation ou d’infériorisation de l’Autre, de victimisation de Soi) qui furent à l’œuvre dans les médias écrits durant cette période, brève mais intense, de quatorze mois. Le portrait est sévère. Durant cette période, « la concurrence économique [des médias écrits entre eux] a primé sur le souci de l’éthique et du maintien de la cohésion sociale». L’opinion publique fut informée par «une vision souvent impressionniste ou fausse » des réalités de l’immigration, de l’intégration et de la gestion des accommodements raisonnables. Le cadre législatif ou politico-juridique québécois et canadien mis en œuvre dans ces domaines était «peu connu» non seulement d’une partie de la population, mais même de certains journalistes. En exagérant la fréquence réelle des véritable cas d’accommodements au sens juridique, en minorant la part des aménagements bien gérés, les médias écrits ont pu « contribuer à l’édification du climat de tension, voire d’intolérance » qui a caractérisé le débat sur les accommodements raisonnables. En somme, ils ont procédé à « la mise en scène d’un problème de société »4.

Les juristes professionnels ont sans doute fini par trouver leur compte dans le rapport Bouchard-Taylor...

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