University of Toronto Press
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Beyond National Dreams: Essays on Canadian Citizenship and Nationalism. Sous la direction de Andrew Nurse et Raymond B. Blake. Markham: Fitzhenry and Whiteside, 2009. 432 p., 38.95$

Ce recueil d'essais se penche sur les diverses dimensions du récit national canadien et sur leurs conséquences sur la société canadienne et ses différents groupes. Les auteurs de cet ouvrage multidisciplinaire (géographie, histoire, science politique, journalisme, éducation) présentent des visions critiques sur des thématiques courantes de la littérature scientifique canadienne, telles que le nationalisme, la citoyenneté, le fédéralisme, les communautés autochtones et l'intégration des immigrants. La trame de fond de l'ouvrage s'appuie sur le concept de nationalisme civique de Michael Ignatieff, qui résume bien le contexte canadien contemporain et soulève de grands débats au Canada sur le nationalisme, la citoyenneté et l'identité, les trois thèmes principaux de l'ouvrage.

L'essai d'Andrew Nurse sur le nationalisme, de nature plus théorique que les autres textes de cette collection, retrace le débat entre le nationalisme civique et le nationalisme ethnique et insiste sur les différences entre ces deux formes de nationalisme, comme l'a exposé Michael Ignatieff, en particulier dans son ouvrage phare Blood and Belonging. Andrew Nurse estime que ce nationalisme civique puiserait sa source dans la pensée de Trudeau au cours des années 60 et 70. De manière complémentaire, le texte de Raymond B. Blake aborde le [End Page 364] nationalisme des années Mulroney, au moment où l'opposition parlementaire évoquait constamment le manque de patriotisme du premier ministre lors des discussions sur l'accord de libre-échange canado-américain ou des débats constitutionnels de Meech et de Charlottetown. Raymond Blake vise à démontrer que la position de Brian Mulroney s'intégrait à une vision nationaliste du Canada. Délaissant quelque peu les perspectives théoriques et politiques, deux essais historiques portent respectivement sur les débats entre impérialistes et nationalistes lors des célébrations du jubilé de diamant de la Confédération en 1927 à Toronto, et sur l'impact culturel, économique et social de la rue Sparks à Ottawa jusqu'au milieu du xxe siècle. D'autres essais traitent principalement de la citoyennetè canadienne et de ses défis, notamment sur les plans économique, éducatif et institutionnel. Ainsi, Caron D. Bodnar se penche sur les répercussions possibles du fédéralisme asymétrique sur le Canada anglais et propose la création d'une véritable communauté politique qui soit distincte de celles du Québec et des communautés autochtones.

Si le nationalisme et la citoyenneté sont à première vue les deux principaux thèmes de l'ouvrage, comme en fait foi le sous-titre, la question identitaire est toujours implicitement ou explicitement présente dans l'ouvrage. Qu'il s'agisse des autochtones, des immigrants de deuxième génération, des minorités croate et tamoul à Toronto, ou des minorités visibles établies en milieu rural, la question identitaire canadienne, et plus particulièrement l'avenir de l'identité nationale canadienne, est omniprésente.

La principale qualité de l'ouvrage, sa multidisciplinarité, représente aussi sa principale faiblesse. Il va sans dire que les parcours universitaires différents des auteurs leur permettent de traiter de sujets délicats tels que les relations Québec-Ottawa, la question autochtone ou l'intégration des immigrants, et de proposer d'intéressantes pistes de réflexion. Mentionnons par exemple l'essai de Joyce Green, qui propose une autochtonisation de la société canadienne pour que le Canada puisse véritablement amorcer un processus post-colonial, ou encore celui de Stéphane Lévesque sur les différentes approches de l'éducation à la citoyenneté au Canada et au Québec. Cet auteur prône l'établissement d'un modele multinational de citoyenneté qui soit dispensé à travers l'ensemble du système éducatif canadien et dont le mérite serait de laisser place à plusieurs récits nationaux. L'approche multidisciplinaire et empreinte de syncrétisme choisie par les directeurs de la publication comporte malheureusement des travers, et certains des sujets abordés s'intègrent difficilement aux thématiques centrales du livre, comme c'est le cas notamment des essais sur [End Page 365] l'historique de la rue Sparks à Ottawa et sur l'importance des relations canado-américaines en politique étrangère. Ces sujets sont certes intéressants, mais leur singularité détonne dans le cadre d'un ouvrage sur le nationalisme, la citoyenneté et l'identité. Cette critique démontre la difficulté de regrouper au sein d'un même ouvrage des articles d'auteurs provenant de différents horizons disciplinaires. Les programmes de recherche, pour paraphraser Lakatos, semblent fonctionner de plus en plus en vase clos, et force est d'admettre que peu d'étudiants ou de professeurs prendront le temps de se pencher sur des textes provenant d'une discipline non connexe à la leur. Ne serait-ce que pour contrer cette tendance et pour avoir un aperçu des diverses perspectives académiques sur le nationalisme, la citoyenneté et l'identité canadienne, l'ouvrage s'avère des plus pertinents.

Mathieu Huard-Champoux
Université du Québec à Montréal

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