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Reviewed by:
  • The Betrayal of Faith: The Tragic Journey of a Colonial Native Convert
  • Dominique Deslandres
The Betrayal of Faith: The Tragic Journey of a Colonial Native Convert. Emma Anderson. Cambridge, MA: Harvard University Press, 2007. Pp. 318, US $45.00 cloth

Peut-on suivre l’évolution de la vie intérieure d’un jeune Innu du 17e siècle, alors qu’on sait qu’il n’a laissé aucune trace écrite ? C’est le pari que fait Emma Anderson dans sa thèse de doctorat remaniée et publiée sous le titre The Betrayal of Faith et qu’elle remporte haut la main grâce à son approche ethno-historienne qui réunit la lecture croisée des sources jésuites (les fameuses Relations), la technique du « backstreaming » et l’analyse des artéfacts amérindiens issus des débuts de la période du contact franco-amérindien (p. 235–241).

Emma Anderson – qu’on ne doit pas confondre avec la sociologue de l’Université York, Karen Anderson (dont on connaît Chain Her by One Foot: The Subjugation of Native Women in Seventeenth-Century New France, 1991 et les autres travaux sur le genre en Amérique du nord) – est une jeune collègue des sciences des religions à l’Université d’Ottawa. Son intérêt pour l’expérience religieuse individuelle nordaméricaine depuis le 17e siècle jusqu’à nos jours, l’a menée à suivre le destin du converti Pierre-Antoine Pastedechouan, qui subit les [End Page 757] tragiques conséquences de ce que j’ai appelé, il y a quelques seize ans, « le vertige de Pygmalion » (et que j’ai repris dans Croire et faire croire. Les missions françaises au 17e siècle [2003], p. 268–275). C’est ainsi que se dévoile la brève vie de ce converti (1608–1636) qui est l’un des rares Amérindiens à avoir survécu à un séjour en France et à l’allerretour sur l’Atlantique. L’ambivalence religieuse et sociale dans laquelle sa conversion au christianisme l’a plongé a fini par lui être fatale : rejeté par les siens qui ne le reconnaissent plus et par les Français qui condamnent son apostasie, il meurt seul dans les bois. Une fin pitoyable pour un « voyageur entre deux mondes » (p. 1–10) qui soulève bien des interrogations.

Le jeune chasseur-cueilleur montagnais qu’était Pastedechouan fit partie d’une expérience intégratrice mise au point par les missionnaires récollets : il s’agissait d’envoyer en France de jeunes enfants dans le but de les éduquer (ou rééduquer, selon les termes d’Anderson) dans la foi chrétienne et les coutumes françaises, et de les renvoyer ensuite dans leur milieu d’origine comme ambassadeurs de la civilisation franco-catholique et « ferments d’une révolution dévotionnelle » au sein de leur culture originelle (p. 8). Pour en refaire le périple, Anderson commence par décrire en détail la psychopédagogie innue (p. 11–62): c’est intéressant et bien fait mais l’évident biais favorable qu’entretient l’auteure pour son sujet et sa culture la mène à vanter les mérites de l’éducation traditionnelle qu’a reçue Pastedechouan. Du coup, la comparaison qu’elle fait avec la culture européenne n’est pas à l’avantage de cette dernière. Or ses critères d’analyse sont pour le moins discutables (p. 18–19). Par exemple, d’où lui vient cette idée que les pédagogues européens du XVIIe siècle célébraient l’innocence et la pureté enfantines ? Dans la France des années d’après les guerres de religion, ces derniers considéraient au mieux la nature des enfants comme une cire molle sur laquelle on pouvait, par l’éducation, faire impression (dans le sens d’imprimer un sceau); au pire, ils étaient jugés comme de petits adultes. Dans les deux cas, la concupiscence (la pente vers le mal), attachée à tout être vivant, devait absolument être corrigée. Par ailleurs, l’éducation par l’observation informelle et imitation des adultes n’était pas le...

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