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  • Un Québec en mal d'enfants. La médicalisation de la maternité, 1910-1970
  • Marie-Aimée Cliché
Un Québec en mal d'enfants. La médicalisation de la maternité, 1910-1970. Denyse Baillargeon. Montréal, les éditions du remue-ménage, 2004, 373 p., illus., 29,95 $.

La médicalisation de la maternité, c'est « la transformation de la grossesse, de l'accouchement et des soins aux jeunes enfants en autant d'événements nécessitant l'intervention d'un médecin ou la médiation de connaissances médicales ». L'auteure a pour objectif de souligner « les intérêts des différents acteurs qui ont pris part au développement des services, en examinant les alliances et les jeux de pouvoir qui les ont rassemblés ou divisés ». Au cœur de son analyse se trouvent les rapports [End Page 120] de pouvoir fondés sur la classe sociale et le « genre »; toutefois, la question nationale et les rapports entre l'Église et l'État occupent aussi une large place, de même que les relations entre le féminisme maternel et la construction de l'État providence. L'étude débute en 1910, date qui correspond à l'ouverture sur une base permanente des cliniques pour nourrissons, et se termine en 1970, avec l'instauration du programme d'assurance maladie et le démantèlement des services de médecine préventive.

L'auteure scrute d'abord des statistiques qui prouvent que tout au long de la période étudiée, le taux de mortalité infantile demeure plus élevé au Québec que dans l'ensemble du Canada. Les deux chapitres suivants sont consacrés au discours médical. Comme la lutte contre la mortalité infantile est entreprise au nom de la sauvegarde de la collectivité canadienne-française, l'auteure insiste sur la récupération de certains thèmes nationalistes. Puis elle montre comment les médecins visent à convaincre les femmes de voir en eux la seule source d'informations en matière de soins infantiles et prénatals. Elle met en évidence les rapports de genre et les préjugés de certains médecins qui attribuent la mortalité infantile à l'ignorance des mères plutôt qu'à la pauvreté.

Le chapitre quatre décrit les services d'origine publique et privée offerts aux mères, en particulier le Victorian Order of Nurses, les infirmières de la Métropolitaine et l'Assistance maternelle. Le chapitre cinq explore les relations parfois conflictuelles au sein de ces organismes : opposition des médecins généralistes aux cliniques qui leur ravissent des clients, opposition de bien des prêtres et des médecins à toute activité féminine qu'ils ne peuvent contrôler, alliance de ces derniers avec des infirmières respectueuses de leur autorité.

Après 227 pages d'une lecture très dense, le dernier chapitre semble une bouffée d'air frais. L'auteure présente avec brio le résultat d'une enquête orale auprès d'une soixantaine de femmes. Elle montre que, tout en acceptant les conseils médicaux, les mères n'hésitaient pas à effectuer les adaptations qu'elles jugeaient nécessaires. Elle constate aussi que c'est à mesure que le nombre d'enfants par famille diminue que les mères peuvent leur donner des soins plus efficaces. Cela l'amène à conclure en traitant de la médicalisation de la contraception.

Cet ouvrage richement documenté laisse de côté les oeuvres littéraires. Choix légitime, mais on regrette l'absence de Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy (1947) qui confirme si bien la thèse de l'historienne. Rose-Anna Lacasse, mère de famille nombreuse aussi pauvre que dévouée, n'est-elle pas tenue responsable par un médecin de la maladie de son enfant? Les sources se limitent à la période sous étude, soit le XXe siècle, mais l'ouvrage pionnier du docteur Hubert Larue (De la manière d'élever les jeunes enfants au Canada [1876]) aurait peut-être mérité une mention. Un des conseils de médecins aurait pu être...

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