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Reviewed by:
  • Founding Fathers : The Celebration of Champlain and Laval in the Streets of Quebec, 1878-1908
  • Patrice Groulx
Founding Fathers : The Celebration of Champlain and Laval in the Streets of Quebec, 1878-1908. Ronald Rudin. Toronto, Presses de l'Université de Toronto, 2003, 290 p., illus. n&b, 60,00 $ cartonné.

En étudiant une suite de manifestations commémoratives orchestrées de 1877 à 1908 à la mémoire de Monseigneur de Laval et de Samuel de Champlain, Ronald Rudin lève un voile sur la fabrication d'une conscience historique du Canada français modelée par les pouvoirs cléricaux et laïcs. Parmi ces derniers, les « English-speakers » tiennent une place effacée - c'est la volonté de l'auteur -, mais pas du tout négligeable. Si une image vaut mille mots, je propose celle de la page 37 du livre, qui montre une procession de la Fête-Dieu dessinée par le Montréalais Henry Sandham, et où un prêtre catholique jette un regard hautain sur les fidèles agenouillés. Cette illustration résume à la fois les rapports visibles du pouvoir de l'Église catholique dans la société de l'époque, la fascination d'un anglophone envers ce défilé d'une pittoresque étrangeté, et en même temps son ironie devant la domination présumée d'une masse docile par une hiérarchie arrogante. L'étude de Rudin révèle toutes les ficelles de cet assemblage.

Les célébrations en question ont pris la forme de processions, de défilés et de spectacles qui ont laissé en héritage à Québec, les monuments proéminents de Champlain et de Laval ainsi que le parc des Champs de bataille. Les quatre chapitres de l'ouvrage sont consacrés à autant de phases dans l'élaboration de ces fêtes : d'abord la découverte et l'exposition des restes de Laval (1877-1878), ensuite la campagne pour la construction du monument Champlain (1879-1898), celle du monument Laval (1878-1908) et enfin, le troisième centenaire de Québec (1902-1908). Cette concentration spatio-temporelle se défend bien, puisque l'ambition de l'auteur est d'explorer une facette de la conscience historique des Canadiens français au plus fort de son virage commémoratif. Elle ne doit pas pour autant nous abuser. La fabrication commémorative n'est pas un trait spécifique de la culture canadienne-française, comme l'ont montré Alan Gordon, Colin Coates et Cecilia Morgan en étudiant les célébrations montréalaises ou en comparant la mémoire publique de Madeleine de Verchères et de Laura Secord.

Laval et Champlain sont les figures tutélaires des deux grands pouvoirs de l'époque, l'Église catholique et l'État. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, les élites consolident leur ascendant sur une société en pleine mutation, recourant à des figures du passé pour reconstituer la nation autour de leurs visions de l'avenir. Les « pères fondateurs » qu'elles arrachent au passé (et au sol, en déterrant leurs os ...) auraient instauré le bon ordre dont elles sont les continuatrices. C'est du moins le [End Page 780] message qu'elles veulent transmettre, et qui emprunte non seulement les mots du vocabulaire, mais aussi le langage des processions et des statues. La grammaire des cortèges est particulièrement éloquente. Pour Ronald Rudin, leurs deux paradigmes sont la procession de la Fête-Dieu et la parade de la Saint-Jean-Baptiste, aux mécanismes bien rodés.

L'auteur procède au décorticage de tous ces niveaux de lecture rendus particulièrement embrouillés par la multipolarité des pouvoirs. La consultation des principales sources de première main est un de ses atouts. Il exploite à fond la documentation disponible à Québec et à Ottawa, et même les archives des Affaires étrangères à Paris, à Londres et au Vatican. C'est souvent à travers des lettres privées et des brouillons, des annotations et des ratures qu'il nous fait saisir le mieux les hésitations ou les déterminations de monseigneur H. Têtu, O.-E. Mathieu, L.-N...

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