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  • « Nous sommes ici, et nous sommes queer ! » :Une introduction aux études en anthropologie queer
  • Michelle Walks, Guest Editor / Rédactrice invitée (bio)

Sans doute, l’utilisation du terme « queer » hérissera les poils de la nuque de certaines personnes, tandis que d’autres sourcilleront. Le mot « queer » évoque une histoire teintée de discrédit et de confrontation. S’appuyant sur Graham (1998), Tom Boellstorff remarque qu’en fait, « de nombreux anthropologues et d’autres n’aiment pas le terme queer “car il leur rappelle si lourdement l’homophobie et l’oppression’ » (2007:18). Malgré ce passé, le mot queer a été réapproprié en vue de regrouper des personnes aux pratiques et identités sexuelles et de genre hors norme. Le mot a évidemment des origines anglophones euro-américaines, mais bien des individus et communautés dans de multiples pays autour du monde l’ont adopté et s’y identifient1. Certes, cette adoption n’est pas universelle et le terme demeure problématique, étant toujours considéré par plusieurs comme vecteur de confrontation. En fait, les tensions et l’inconfort qui lui sont associés font partie de ce que certaines personnes apprécient dans leur association avec le vocable. Cela dit, les identités et les pratiques changent avec le temps; il est fort probable qu’à l’avenir une expression différente devienne usitée pour référer à la réalité au cœur du présent numéro thématique.

La sexualité a constitué « un objet intellectuel de la tradition anthropologique depuis l’âge des Lumières » (Lyons et Lyons 2006:153; également observé par Boellstorff 2007:17). Et pourtant, l’intérêt de l’anthro- pologie pour le genre et la sexualité a connu des hauts et des bas au fil des années. Qui plus est, et comme le remarque Kath Weston :

Avant que les ethnographes puissent cartographier le monde selon les territoires des pratiques transgenres et de la sexualité homophile, il fallait d’abord que l’ho- mosexualité devienne un objet légitime de recherche anthropologique. Un des prérequis était la redéfinition de l’homosexualité, de la dimension d’une pathologie individuelle (le modèle médical) vers celle d’une construction culturelle.

[Weston 1998:149] [End Page 17]

Les caractéristiques de l’importance accordée à la sexualité (ou aux sexualités) et les interprétations théoriques qu’on leur applique ont varié avec le temps, en partie en lien avec les changements culturels marquant les contextes historiques et géographiques des anthropologues, ainsi que leurs intérêts personnels et professionnels. De plus, les anthropologues ont analysé, déterminé puis redéfini « ce qui compte » en tant que relations homosexuelles et pratiques transgenres dans une perspective transculturelle (Weston 1998; Boellstorff 2007; Lewin et Leap 1996).

Le contexte historique a généralement une influence sur ce que l’on considère comme la sexualité, la sexualité homosexuelle, le troisième sexe et les comportements et identités transgenres. Les premières études anthropologiques de la sexualité, s’échelonnant jusqu’à environ la moitié du 20e siècle, mettaient l’accent sur les cultures Autres, catégorisées selon deux axes principaux : soit « sises sous un voile d’ambiguïté et marquées par un jugement [négatif] - tout comme l’étaient les références à l’homosexualité dans le discours dominant » (Weston 1998:147), soit idéalisées, participant « aux fictions d’une promiscuité primitive » (Lyons et Lyons 2006:153). Un silence s’ensuivit de la part de notre discipline en matière d’études de la sexualité — peut-être associé à des efforts pour conquérir une « respectabilité scientifique » (Lyons et Lyons 2006:153). Par la suite, on constate une réémergence des études sur la sexualité autant « chez nous » que chez les Autres, très probablement galvanisée par les révolutions sexuelles en cours dans les sociétés occidentales. Durant chaque décennie depuis les années 1970, on constate une croissance exponentielle de la recherche et des publications en anthropologie LGBT (l’acronyme signifie lesbienne, gay, bisexuel-le, transgenre), tandis que de nouveaux champs thématiques ont émergé.

Depuis la...

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