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Reviewed by:
  • L’universel à vue d’œil by Sophie Houdart
  • Sylvie Brosseau
Sophie Houdart, L’universel à vue d’œil, Paris: Éditions PETRA, « Collection Anthropologiques », 2013, 284 pages.

Le livre de Sophie Houdart nous propose une étude anthropologique de l’Exposition internationale qui eut lieu en 2005 au Japon, à Nagoya. L’auteure est anthropologue, chercheuse au CNRS et spécialiste du Japon. Elle enquête sur les modes de construction de la modernité dans leurs variantes locales, à travers tout particulièrement l’observation et l’analyse des pratiques scientifiques. Elle s’est aussi intéressée au travail de l’architecte et au processus d’élaboration du projet architectural au sein d’une agence japonaise.

Ce texte décrit, analyse et commente les différentes mobilisations, à long terme et de grande envergure, qui ont contribué à la mise en œuvre de l’Exposition internationale de Nagoya en 2005. Le travail d’enquête suit les processus d’élaboration, observe les rôles des multiples acteurs, les évolutions des questionnements pris en compte, depuis la phase de démarrage une dizaine d’années en amont jusqu’à l’ouverture de l’Exposition. Cependant, l’auteure ne se limite pas à simplement décrire et narrer le montage d’une mégafoire internationale en suivant ses différents objectifs de communication, d’images et en décryptant ses diverses visées nationalistes. Elle s’est [End Page 246] davantage donné pour objet d’observer un universel en train de se fabriquer, de se négocier, de se dissoudre, avec toutes les problématiques afférentes.

Différentes échelles et natures d’enjeux – locaux, régionaux, nationaux, internationaux – sont mises en évidence ainsi que différentes échelles de temps. Sophie Houdart nous rappelle d’abord que le développement des expositions universelles s’insère dans le temps long d’un vaste projet de civilisation qui promeut le progrès universel et doit concerner le monde. Au Japon, leur histoire participe à celle de la modernisation du pays suivant le modèle occidental à partir de 1868. S’imbrique à ces différentes temporalités le temps court du projet et de la fabrication d’un universel dans le contexte particulier d’une exposition au Japon au début du XXIe siècle. Dans leur ensemble, les expositions universelles sont révélatrices d’un certain rapport à l’histoire et à la contemporanéité. Les procédés d’universalisation sont également des procédés temporels, ce que l’auteure nous montre avec clarté.

Au Japon, les expositions universelles tiennent une place particulièrement importante dans la modernisation et le développement du pays, car la participation du Japon a permis de montrer au monde entier son aptitude à mettre au point des structures innovantes, à devenir un acteur de la modernité, à montrer sa transformation radicale en passant du statut d’objet exotique à celui de producteur d’objets, donc sujet. Malgré tout, il faudra attendre 1970 pour que le Japon accède enfin à l’organisation de sa propre exposition universelle à Osaka. Celle-ci, dont le thème est « Progrès et harmonie pour l’humanité » prouvera, d’abord à lui-même, sa pleine capacité et sa volonté de participer au devenir universel du monde.

Dans un premier temps, l’exposition de 2005 à Nagoya a tenté de ressaisir et reprendre en considération toutes ces différentes dimensions temporelles, celle de la modernité, celle de la rencontre de l’Occident et de l’Orient, celles de la présence du Japon dans les expositions universelles, et des expositions universelles au Japon. Elle est pensée, lors d’une première phase au riche potentiel, comme la première exposition « non moderne », dans une tentative de questionnement conceptuel et formel qui remet en cause, entre autres, la construction et la présence des pavillons nationaux. La proposition initiale tend vers la redéfinition des composants et la reconfiguration de leurs liens (l’homme, l’environnement, les images, les représentations, etc.). Finalement, le thème général et titre, après un reformatage opéré par le Bureau international des Expositions, est « La redécouverte de la sagesse de la nature ». L’exposition pose d’abord comme une nécessité – universelle...

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