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Reviewed by:
  • Raymond Aron et l’Europe by Joël Mouric
  • Florence Hulak
Joël Mouric
Raymond Aron et l’Europe
Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, 368 p.

L’œuvre plurielle de Raymond Aron trouve son unité dans une réflexion sur la question européenne – telle est la thèse de l’ouvrage de Joël Mouric. Suivant le fil chronologique des réflexions aronniennes sur l’Europe des nations comme sur la communauté européenne, il montre comment les efforts de construction de la seconde sont interrogés à la lumière de l’histoire de la première.

Le livre nous conduit tout d’abord de l’adhésion première de R. Aron au pacifisme et à l’idée pan-européenne, ancrés dans l’idéal de la République des Lettres, à leur rapide érosion sous l’effet de la montée des nationalismes à partir de 1931. Le pluralisme des nations lui apparaît dès lors comme le seul rempart opposable à l’Europe nazie, la guerre comme la seule réponse possible au projet de paix par l’empire allemand. La deuxième partie mène ensuite une réflexion sur l’Europe à reconstruire après la guerre. R. Aron découvre alors la force de l’idée d’union européenne, susceptible d’offrir tout à la fois le médium de la coopération économique, l’outil de règlement politique de la question allemande et l’arme de défense contre l’Union soviétique. Militant européen, il n’en prend pas moins résolument parti pour une Europe atlantique, au nom de l’impossibilité de la neutralité, et contre le constructionnisme juridique des pères fondateurs, [End Page 282] au nom de la priorité du politique. L’échec de la Communauté européenne de défense (Ced), qu’il jugeait irréaliste, marque la fin de sa croyance en l’efficace de l’idée européenne. La dernière période se caractérise par une défense plus modérée du projet d’union européenne, qu’il pense toutefois nécessaire à l’équipement nucléaire, à l’armement et à la croissance économique. R. Aron est cependant conduit à réhabiliter plus directement l’héritage de la construction européenne à partir de 1966, par opposition au nationalisme de Charles De Gaulle. Mais il continue alors de critiquer la priorité accordée au juridique et à l’économique. À la fin de son œuvre, l’union européenne se trouve exclue de ses réflexions sur la politique européenne, au motif qu’elle ne constitue pas une entité politique.

Le livre de J. Mouric constitue une étude riche et claire des idées de R. Aron sur l’Europe. Soucieux d’en restituer toutes les nuances, évolutions, voire circonvolutions, ainsi que d’en préciser le contexte stratégique, il ne tente jamais d’en constituer une illusoire et anachronique synthèse qui viserait à prouver que R. Aron était pro- ou anti-européen.

Une fois écartées ces catégories trop simples, que nous apprennent les réflexions de R. Aron sur l’Europe? Si l’on peut douter que cet ouvrage offre la présentation annoncée de la « philosophie aronnienne de l’Europe » (p. 19), cela ne semble pas imputable à l’auteur mais à l’absence d’une telle philosophie. Cette absence ne tient pas seulement au caractère changeant des idées de R. Aron sur l’Europe, qui pourraient être l’expression d’une pensée en formation. Elle n’est pas due non plus au caractère manifestement stratégique de ses usages de l’idée européenne, qu’il semble toujours mobiliser en vue d’autre chose ou par opposition (que ce soit au communisme ou au nationalisme), et jamais pour elle-même. Elle tient d’abord à ce qu’il ne pense sans doute pas qu’un autre type d’usage politique de l’idée d’Europe soit possible.

En effet, dès les années 1930, les variations de l’intérêt de R. Aron pour l’idée européenne sont corrélatives de sa...

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