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281 17 Traditions Culturelles Africaines et Droits De L’homme O Octave Nicoue Broohm Université de Lomé Introduction La modernité politique a identifié l’universel avec les principes de la Déclaration des Droits de l’Homme. De même, les droits de l’homme ne semblent compréhensibles que replaces dans le contexte philosophique, juridique et politique de la modernité. Celle-ci s’est manifestée, entre autres, par le brouillage des codages et des repères anciens, le bouleversement des valeurs ordinatrices et stabilisatrices qui ont longtemps marque les traditions indo-européennes, asiatiques ou africaines. En Afrique, en l’occurrence, elle a durement misa mal les fondements de la solidarité sociopolitique globale et les formes communautaires de sociabilité. La modernité déplace, en effet, le sens de la représentation du droit, auparavant perçu comme droit objectif fonde en nature conforme à l’ordre du monde et qui prescrit a chacun ce qu’il doit faire, vers un droit subjectif, revendicatif et critique, relatif à la personne humaine. On pourrait en conclure que les droits de l’homme s’opposent à la tradition, a toute tradition. Une telle conclusion serait cependant hâtive, car les droits de l’homme ne sont pas une catégorie intemporelle. Ils renvoient eux-mêmes a une tradition, a des idéaux, a des combats politiques qui ressortissent de l’ordre de la mémoire et de l’histoire. L’interrogation sur les droits de l’homme entraine dans un dédale de questions philosophiques, juridiques et politiques qui incitent à la modestie dans l’effort de compréhension des phénomènes complexes qu’ils recouvrent. A leur propos, il y a lieu de se prémunir contre les dangers d’une saisie hâtive, naïve ou illusoire. Pour autant, il ne s’agit pas de renoncer à l’effort de clarification conceptuelle. Nous examinons, à la suite de cette élucidation, les enjeux de la question des rapports entre traditions et droits de l’homme. 282 Droit, société et tradition: Quid des droits de l’homme? Le droit, au sens large, est l’ensemble des règles obligatoires de conduite, constituées a la faveur d’un processus évolutif et qui assurent de facto la stabilité d’un ordre social; en ce sens, on peut affirmer qu’il y a du droit dans toute société, qu’elle soit traditionnelle ou moderne. Le droit, dans la formulation de Hans Kelsen, “est un ordre ou règlement normatif de l’action humaine, c’est-à-dire un système de normes qui règlent la conduite d’êtres humains?”1 Tout être humain est, en effet, par nature, dote de prérogatives, c’est-à-dire de facultés de consciemment faire ou agir, se protéger, s’abstenir, refuser, réclamer, etc. Par elles-mêmes, cependant, ces prérogatives ne sont point des droits. Il faut pour ce faire que la régie intervienne de quelque manière: par la reconnaissance, la limitation, l’organisation, la régulation. L’interdiction, etc. Il faut, en d’autres termes, que leur soit attribué un statut particulier: le statut juridique. Maintes prérogatives échappent ainsi au Droit comme par exemple le choix d’un ami ou d’une amie, le partage d’un repas, le suicide, etc. Point de droit qui ne soit une prérogative, mais l’inverse n’est pas nécessairement vrai. Seules les prérogatives reconnues par le droit sont constitutives de droit et parmi ceux-ci tous ne sont pas des droits de l’homme. De façon concordante, des études2 menées dans diverses sociétés africaines de traditions linguistiques et culturelles différentes mettent essentiellement l’accent sur le caractère communautaire et consensuel desdites sociétés. Leur texture institutionnelle et politique, souvent complexe, révèle l’existence de véritables systèmes juridiques dotes de caractères propres. Selon Gonidec: “On était en présence d’un ensemblerègles qui constituaient un ordre coordonne et hiérarchise, qui étaient susceptibles d’exécution forcée, sanctionnées selon des précèdes propres au monde 1Hans Kelsen, Théorie pure du droit. Paris: Editions Bruylant et LGDJ, 1999, p.13. 2Voir entre autres, J. Poirier (dir.) Etudes de droit africain et malgache, Université de Madagascar, Paris, Cujas, 1965; Taslim Olawale Elias, La nature du droit coutumier africain, Paris, Présence Africaine, 1%1; Pathé Diagne, Le concept de pouvoir en Afrique, Paris, Presses de I’UNESCO...

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