Critical Perspectives on Cameroon Writing

25. L’exotisme dans Trois prétendants: un mari de Guillaume Oyono Mbia

315 25 L’exotisme Dans T Trois Prétendants ... Un Mari De Guillaume Oyono Mbia par Polycarpe Oyie-Ndzie, Ecole Normale Supérieure Université de Yaoundé I Résumé Guillaume Oyono Mbia est sans doute le plus grand dramaturge camerounais depuis l’Indépendance. Trois prétendants ... un mari (éditions de 1989) est sans conteste, son chef-d’œuvre et, en tant que sa première pièce, une œuvre matricielle. Il y fait voir entre autres sujets, le fait exotique. Il lui donne un traitement pluriel: exotisme des sources, exotisme littéraire, exotisme des personnages, exotisme de l’espace et exotisme des cultures. Abstract Guillaume Oyono Mbia is undoubtedly the best known Cameroonian dramatist since independence. Three Suitors, One Husband, although his very first, remains his best play. Besides other themes which he exploits, we take particular note of the exotic which he treats from several aspects: source, literary technics, characters, space, and culture. Ecrivant pour la scène et non pour un traité de naturalisme, il est pratiquement naturel pour Oyono-Mbia que ce terme n’apparaisse nulle part dans le texte de Trois prétendants... un mari (édition de 1989), même dans ses synonymes et autres termes connexes. Ceci fait donc que cette pièce qui se trouve aussi être la première de Guillaume Oyono Mbia et son chef-d’œuvre pose avec une acuité matricielle le problème des modalités d’existence du phénomène. En effet, sans en utiliser le concept, Oyono Mbia fait un usage pluriel de la réalité elle- 316 même, Grâce à une lecture que Les méthodes projectives de Didier Anzieu pourraient rapporter à l’approche dite complémentaire, on peut observer que la pièce va au- delà du mythe de l’émancipation de la femme pour s’aventurer dans les sentiers parfois escarpés et rocailleux de l’exotisme des sources, de l’exotisme des personnages et de l’exotisme. de l’espace. A travers ce champ/chant, Guillaume Oyono Mbia postule un corps très riche de valeurs, tant sur le plan strictement matériel et esthétique que par rapport à la culture. C’est à se demander si, par son théâtre, l’écrivain ne tente pas de restituer à l’art ce que Basil Davidson appellerait “son caractère religieux”, la fonction essentielle qu’a l’art africain en particulier d’esquisser une relation entre le connu et l’inconnu, le possible et l’impossible, la réalité et le rêve, le fait et le jeu, l’existent’ et les lois de sa progression (Davidson, 1971: 19-27). 1. De la Société Traditionnelle de Mvoutessi: Exotisme des Sources Paradigmatiquement, l’exigence d’étrangeté, l’appel d’un ailleurs, différent et contraire, impose un examen attentif et préalable de l’ici de la pièce. Comme le montre Jean Duvignaud dans sa Sociologie du théâtre (1965: 1), le théâtre est un art essentiellement enraciné. Son texte est ontologiquement lie à son contexte, entendu au sens préconisé et popularisé par Le Dictionnaire de Linguistique de Dubois. Il est capital d’explorer l’univers qui se trouve à la source de l’œuvre. Oyono Mbia permet au lecteur/spectateur français ou parlant français de s’éloigner des univers connus tant de l’Hexagone que de ses avatars africains que sont les villages. Il y fait toucher du doigt un village africain brûlant d’authenticité, dans la truculence de ses mœurs comme dans la turbulence de ses populations. Le texte des didascalies se trouvant à l’entrée de la scène 1 de l’acte 1 l’indique expressément; toute la pièce se déroule à Mvoutessi, dans le village natal dramaturge, un petit coin perdu de la jungle africaine. Un effort de recherche géographique permet de savoir que ce village se trouve à 33 kilomètres de la ville de Sangmelima, sur la route actuellement bitumée qui relie cette dernière à la ville, carrefour de Mbalmayo. La matière dramatique est fournie par une sorte d’ilôt humain dans un océan de verdure; le sens de l’œuvre semble nicher 317 parmi innombrables et majestueuses futaies de la grande forêt équatoriale qui, vue d’avion donne à L’Afrique Centrale un air d’unité et d’inexpugnabilité sauvages. Dans l’environnement socio-structurel se trouvent non seulement des cités à vocation...