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67 III Colères De Husserl à Tempels Il ne pouvait en être autrement: la critique de L’ethnophilosophie est encore largement une affaire interne à l’Occident, parce que I’ ethnophilosophie qu’elle dénonce est elle-même, précisément, une invention de l’Occident. Un des principaux résultats de cette critique devait être justement de dissiper une illusion commune qui voyait dans L’ethnophilosophie une invention de la négritude et par voie de conséquence, la seule manière de philosopher qui fût digne d’un Africain, la seule qui put permettre de préserver l’originalité de l’homme noir. Je devais montrer, au contraire, que l’ethnophilosophie avait une histoire plus ancienne, liée à l’histoire de l’anthropologie en général, c’est-à-dire, du regard occidental sur les sociétés dites primitives; que l’invention d’une philosophie africaine, telle qu’elle s’est produite dans les années quarante, n’a été que l’application à un terrain particulier, d’une hypothèse plus ancienne; qu’en outre cette application a été, au départ, le fait de théoriciens européens intervenant dans un débat européen, et que la rencontre avec le mouvement de la négritude n’a eu lieu que plus tard. L’histoire réelle de l’ethnophilosophie devait ainsi permettre, d’emblée, de faire justice de l’obligation imaginaire faite au philosophe africain de rendre compte d’une philosophie africaine, à l’exclusion de toute autre préoccupation théorique, comme elle devait permettre de lever l’interdiction non moins imaginaire de toute incursion dans les arcanes conceptuels de la philosophie occidentale. Il fallait au contraire, pour apprécier à sa juste valeur le projet ethno philosophique, pouvoir le confronter à l’idée de philosophie, ou aux idées de philosophie sous-jacentes a la pratique philosophique occidentale, interroger la cohérence des démarches et présuppositions fondatrices de ce projet et les conditions de son apparition dans L’histoire de la pensée occidentale. A cette nécessaire confrontation, j’avais été préparé par ma lecture de Husserl, entre autres grands repères de l’histoire de la philosophie. 68 Un Creuset Exceptionnel: «Présence Africaine» Je dois à Alioune Diop d’avoir été associe très jeune aux travaux des intellectuels africains et africanistes regroupes autour de Présence africaine. J’avais a peine vingt-deux ans quand il m’arriva de bégayer laborieusement à Paris, au cours d’une cérémonie de lancement du Consciencisme de Nkrumah, une intervention qui, faisant paraitre le projet du leader ghanéen plus progressiste que la négritude, défraya aisément la chronique. La même année, Alioune Diop me cooptait au sein d’une délégation qui devait participer à un colloque organise pour l’été, à L’Université de Pérouse, par l’association des«Amis italiens de Présence africaine», sur «La présence de l’Afrique dans le monde de demain». Dans une communication présentée à cette occasion et dont la presse locale a rendu compte, j’insistais alors déjà sur le caractère pluriel de la culture africaine. Citant volontiers l’Afrique ambiguë de Georges Balandier, dont je venais de suivre un séminaire à l’Ecole Normale Supérieure et qui participait lui aussi a ce colloque, je mettais en garde contre la tentation d’une lecture réductrice, unilatérale et exagérément simplificatrice des cultures, et plus particulièrement, des visions du monde du continent noir (Balandier, 1957). Trois ans après Pérouse, Alioune Diop me fit de nouveau inviter, en aout 1967, à un important colloque. C’était, cette fois, à Copenhague. Organise par une universitaire danoise, Erica Simon, sous le parrainage et grâce à un financement de l’Agence danoise pour le développement international (DANIDA), ce forum réunissait un groupe d’intellectuels africains et scandinaves sur le thème «Humanisme africain - culture scandinave: un dialogue». Les travaux devaient être publics sous le même titre trois ans plus tard, par les soins de la DANIDA (Lundbaek, 1970). Ce fut un colloque inoubliable. Outre les intellectuels scandinaves qui étaient nos hôtes, j’eus le privilège de croiser régulièrement pendant près d’une semaine et dans la plus grande convivialité, sur un bateau hôtel aux abords de la capitale danoise, des personnes comme Cheikh Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo, John Mbiti, Engelbert Mveng, le...

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