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69 Chapter Five La Création Du Territoire National Camerounais A L’épreuve De La Crise Et De Sa Gestion Georges Courade Le territoire national n’existe pas en soi; il se construit et se détruit en permanence, même dans les plus anciennes nations stabilisées sur une longue période. Au Cameroun, ce qui fait office de territoire national dans le discours ne peut être considéré que comme un objet virtuel que chacun s’emploie à construire et à détruire dans le même mouvement en 1995. En revendiquant son droit inaliénable à la différence tout en réaffirmant un nationalisme verbal face aux non-camerounais, en exigeant un traitement égalitaire dans l’accès à “l’ascenseur social” tout en demandant des discriminations positives, s’il se sent minoritaire culturellement, défavorisé économiquement ou sous-cotais. Que faire pour avancer dans ces conditions, dans la construction d’une nation alors que l’ascenseur est en panne? Le diplôme scolaire n’assure plus un emploi automatique dans une fonction publique aux droits régaliens. On a beau multiplier les rotations ministérielles, géographiquement sélectionnées, pour permettre une redistribution de la rente, celle-ci a en partie disparu. La crise a remis en cause le système d’assimilation réciproque des élites locales, marchandes et scolaires constituées en classe dominante, qui a connu son apogée autour des années 80. Et les ajustements que subit depuis plus de cinq ans le pays ont renvoyé la “petite bourgeoisie” (les classes moyennes citadines) à une grande précarité. La “politique du ventre”, qui a fait du Cameroun un modèle presque parfait en Afrique, s’est révélée être contre-productive pour l’intégration nationale a l’heure ou se sont invites sur la scène politique, une presse qui se proclame “indépendante”, des partenaires ethno-régionalistes qui s’opposent dans la violence et plus de 120 partis politiques maniant la dynamite des frustrations anciennes réactualisées. Le paysage politique actuel n’est plus celui de la fin des années cinquante malgré les apparences. Et si les données géopolitiques de fond restent, les rapports économie-Etat-sociétés ont profondément change et continuent à changer de manière rapide. L’histoire africaine des constructions étatiques a vu le triomphe récent de la “raison géographique” sur la “raison 70 démographique”, de l’espace-ressource draine et borne des colonisateurs sur le contrôle des populations des empires précoloniaux et des chefferies. IL reste pourtant quelque chose de cette approche africaine précoloniale dans l’appréhension des rapports entre population et ressources, dans l’affirmation d’une “frontière agricole” inexistante ou dans la faible adhésion des technocrates a la planification des naissances, qualifiée ici de “parente responsable”. L’espace du politique pour la Malone des Camerounais se décline - faut-il le rappeler? - en de multiples allégeances emboitées avec une domination absolue du terroir, du local et du rural. Ceci est en contradiction avec la raison économique qui oblige à penser en termes de village planétaire et en constitution de vastes territoires de plus en plus urbanisés “sans frontières”. Le leu d’identification idéologique a l’échelle moyenne, se trouve être l’ethnie, avatar d’une histoire réécrite par la colonisation, les affrontements et les “élites”. Au-delà, les espaces de reconnaissance délimitant un dedans et un dehors ont un contenu mal défini et restent fluides, sauf pour la frange éduquée de la population qui s’est emparée, à sa manière, de l’héritage colonial. Au Cameroun, on se “pose” par exemple, en Anglophone à partir du discriminant de ta langue, des institutions, conduites, comportements et règles britanniques telles qu’elles furent “tropicalisées”, souvent après l’indépendance. Et les critères implicites pour s’affirmer camerounais demeurent encore bien problématiques. Les lieux habites, exploites, appropries matériellement et symboliquement, qui constituent le véritable cadre de vie, servent donc de références fortes aux individus et groupes peu sécurisés par des “identités politiques” dont la profondeur historique ne dépasse pas la génération. Fautil par conséquent toujours représenter, le Cameroun géopolitique comme un triangle sans discontinuités majeures polarise par un Sud utile? Des forces centrifuges ont fait voler en éclat ce schéma...

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