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1 Chapitre Premier La Localisation Spatiale Un drame de la ville Avant d’être un personnage oeil ou un personnage oreille, qui perçoit les spectacles et les bruits de la ville et de la vie, Dieng est primitivement un personnage pied, un marcheur. La grande partie de l’action du Mandat se déroule au dehors, sur un chemin ou dans la rue. Celle-ci figure le parcours d’un lieu à l’autre, et manifeste par conséquent bien moins un paysage ou un décor – qui serait décrit en termes esthétiques – que le modèle parfait de la pérégrination. Lieu de la marche, la route donne à voir le spectacle d’un itinérant – généralement solitaire – ou d’une procession, quand ce n’est pas la conjonction des deux ensembles confrontés à leur mobilité permanente (p. 155). Comme spectacle, la rue est le lieu de la projection de formes, de couleurs et de bruits divers et discordants qui manifestent le dysfonctionnement, la disharmonie, et la dysphorie constitutifs de drame de la ville. Rues et routes représentent de la sorte les deux aspects substantiels de la réalité urbaine. La rue est évoquée dès la première page du livre par la bouche de Bah, le facteur qui jure et peste contre l’état défectueux de la voie montante qu’il gravit péniblement en poussant son vélo solex :« qu’est-ce qu’on attend pour asphalter cette rue ? » pensait-il... » (p. 127) A la dernière page, le livre se clôt sur l’apparition de la femme au bébé, qui désigne la rue comme l’origine de la réputation de Dieng : 2« De la rue, on m’a dit que tu étais bon et généreux. » (p. 219) Entre ces deux moments extrêmes de l’histoire s’inscrit l’aventure de l’itinérant fonctionnel qu’est devenu, par la force des choses, notre héros depuis la réception du mandat :« Ces jours-ci je suis tout le temps en course. » (p. 180) Du stade initial au stade final s’est concrétisée l’une des grandes hantises de ce pèlerin, qui évoque constamment l’insécurité de la rue, lieu d’exposition et partant de périls multiples :« Ecoute, rentrons dans la chambre. On ne peut pas parler d’argent en pleine rue » (p.133), dit-il à Mety, son épouse. Ainsi la rue comme spectacle, la route comme trajet constituent les cadres d’un investissement à la fois physique, sensuel et intellectuel. La route 1. La route, épreuve physique Dieng, on le sait, est sans emploi. Cela veut dire que, avant même qu’il ait reçu le mandat, son occupation obligée consistait dans des déplacements incessants à la recherche d’une situation. Ceci explique la fatigue dont il se plaint à Mety, sa femme, à la fin du repas :« Mety, pardonne-moi, masse mes jambes. Qu’est-ce que j’ai marché aujourd’hui. » (p. 132) La venue du mandat modifie le but de ses démarches en les démultipliant : à cause du mandat Dieng est très souvent [18.218.209.8] Project MUSE (2024-04-25 21:49 GMT) 3 en route : pour le commissariat, pour la mairie, pour la poste ou pour la mosquée. Le parcours s’effectue à pied ou en autocar, suivant la longueur du chemin et les moyens dont il dispose. C’est la raison du nombre de considérations d’argent et de distance qui jalonnent le texte du Mandat. Le premier jour Dieng « tape » Mbarka de cinquante francs pour payer son transport (p. 137) ; obligé de se déplacer avec Gorgui Maïssa, il s’en plaint puisque seul, cinquante francs lui auraient permis d’aller au commissariat et d’en revenir par autocar (p. 147) ; Gorgui Maïssa « s’éclipse » bizarrement alors qu’ils se trouvent au commissariat parce qu’il ne veut pas partager avec Dieng la valeur du billet de cent francs qu’il a reçu d’un jeune homme dont il chantait la louange (p. 152). Le deuxième jour, faute d’argent, il effectue le trajet à pied jusqu’à la grande mairie (p.154 – 155). Sollicité, Gorgui Maïssa s’excuse de ne pouvoir l’accompagner à cause de ses rhumatismes.« Sans force, Dieng attaque le macadam ; cinq kilomètres et quelques !... » Le verbe « attaquer », issu tout droit du lexique martial, militaire et polémique connote...

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