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61 Chapitre Cinquième Les Axes de Signification Deux propriétés fondamentales caractérisent la composition du Mandat : sa brièveté quasi schématique en fait un récit entre la nouvelle et le roman, sans qu’il soit aisé de dégager ce qui l’emporte de l’une ou de l’autre forme. D’être un schéma romanesque fonde la seconde caractéristique qui fait du Mandat le sommaire de l’œuvre d’Ousmane Sembène à cette date. Des thèmes développés par ailleurs sont simplement esquissés, ou donnés comme rappel dans Le Mandat : la grève qui cause le renvoi sans dédommagement d’Ibrahima Dieng, la place prépondérante que la femme de Dieng, Mety, occupe dans l’histoire, la difficulté à vivre du peuple, la bipartition du monde entre les forts qui exploitent et les faibles qui subissent la misère sont, au fil fin, la reprise de situations et de problèmes qu’on retrouve dans Le Docker noir, Les Bouts de bois de Dieu, Ô pays, mon beau Peuple et L’Harmattan. Leur écheveau filigrane et étoile la trame du Mandat dans sa triple perspective politique, économique et sociologique. Avec Le Mandat, l’écriture d’Ousmane Sembène, renonçant à l’idéologique pur, s’oriente nettement vers le moral : la trilogie de Vehi-Ciosane, Voltaïque et Xala peint le pourrissement d’une société d’inceste, d’exaction et de prévarication qui culmine doublement avec la faillite financière et sexuelle de El Hadji Abdou Kader Beye, d’une part, l’invasion de sa villa par la sous-classe des gueux et des paralytiques devenus les maîtres des lieux et de la situation, d'autre part. Par ces caractéristiques Le Mandat peut se définir comme un récit charnière entre deux formes d’écriture, et un raccourci élégant de l’œuvre de l’auteur. Aussi dans la mesure de l’abréviation********* et de cette fonction de miroir, 62 plutôt que les thèmes, allons-nous relever les fils qui parcourent le texte et privilégier ce que les formalistes appellent les motifs de la toile. La religion des musulmans Le premier des motifs que nous retiendrons consiste dans la religion islamique. Le terme Allah/Yallah revient toutes les deux pages ; sauf le deuxième jour où il s’emporte contre ses épouses de ne l’avoir pas réveillé à l’heure, Dieng s’acquitte scrupuleusement de toutes ses prières au moment voulu et, autant que possible, au lieu désigné à cet effet : la mosquée est une visite deux fois quotidienne. Aussi souvent qu’il lui est loisible, il donne l’aumône à tout le monde excepté « aux hommes valides et aux jeunes gens » dont il justifie l’exclusion par le fait que « ces deux catégories [sont] des parasites, [qui] se contentent d’être nourris à l’œil. » (p. 131-132) Cette conformation minutieuse aux prescriptions fondamentales de l’Islam relève d’une foi indéfectible – malgré les démentis et les revers de la fortune – en Allah, qui sait d’avance où il mène les hommes, les choses et le monde. La croyance en Allah est une constante de l’univers discursif du Mandat. Elle explique la solidarité et le sens de l’entraide des membres de la communauté d’âge qui rendent visite à Dieng pendant les deux jours où il garde la chambre (p. 194), tout comme les plaintes et le réconfort que tous lui prodiguent après sa mésaventure alors qu’il fait le tour du pâté de maisons de son quartier (p. 211). Outre les devoirs et les pratiques, il y a l’éthique et la philosophie de l’Islam : l’une justifie la pudeur extrême du personnage et le jugement globalement défavorable qu’il porte sur la véhémence du jeune homme en chemise-veston à l’égard du fonctionnaire de mairie qui répugne à la servir, et sur l’effronterie de la femme qui, derrière lui dans la queue, s’en prend à la nouvelle mentalité des agents des services [18.117.183.150] Project MUSE (2024-04-24 15:10 GMT) 63 publics : Dieng offusqué, tout autant que les autres, par ce manque de civisme et de conscience professionnelle, ne l’est pas moins par la violence de la dénonciation, dont il ne perçoit « pas l’utilité », trouvant au reste inconvenant...

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