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6 Le paysage théâtral camerounais et les enjeux traductologiques Suh Joseph Che Contrairement au traducteur salarié exerçant à la fonction publique camerounaise où les services de traduction sont bien structurés (avec les traductions généralement révisées par des traducteursr éviseurs plus anciens et plus expérimentés et où le traducteur professionnel est plus ou moins maître de ses décisions et de ses choix), le traducteur indépendant exerçant dans le domaine du théâtre camerounais vit une réalité tout à fait différente. En effet, dans ce domaine, chaque intervenant bilingue (français/anglais) de la chaîne théâtrale (metteur en scène, acteur, décorateur, musicien, éclairagiste, éditeur, etc.) croit toujours avoir son mot à dire sur la façon dont le traducteur doit accomplir sa tâche et sur la qualité de la traduction effectuée. Dans la plupart des pièces traduites et qui sont d’ailleurs jouées avec beaucoup de succès, le traducteur est amené à faire des compromis entre ses choix et les exigences et les consignes des autres intervenants de la chaîne théâtrale pour diverses raisons. C’est donc l’occasion pour nous ici d’examiner les relations du traducteur de théâtre camerounais avec les autres intervenants de la chaîne théâtrale ainsi que les stratégies de traduction qu’il est souvent amené à employer et qui mettent en jeu le rôle, la responsabilité et l’activité de ce dernier. De façon générale, nous tenterons de démontrer comment le rôle ou la responsabilité du traducteur de théâtre camerounais est systématiquement usurpé par les autres intervenants de la chaîne théâtrale (notamment l’auteur, le metteur en scène et l’éditeur). Le but ultime recherché ici est d’expliquer le phénomène de la traduction théâtrale au Cameroun et de dégager les principes qui la sous-tendent. 72 Perspectives on Translation and Interpretation in Cameroon Cette étude commencera par les motivations qui gouvernent la traduction des pièces au Cameroun et leur incidence directe sur la traduction formelle et informelle qui caractérisent le domaine théâtral dans ce pays (la traduction formelle étant celle publiée par les maisons d’éditions et donc marquée du sceau de l’éditeur contrairement à la traduction informelle, non publiée, mais de loin plus répandue, plus florissante et plus rémunératrice pour le traducteur). Plus de 95% des pièces traduites ne sont pas publiées. Pour donner un aperçu très sommaire, ceci est dû à plusieurs raisons : a. Commerciales : les éditeurs sont peu disposés à publier la traduction d’une pièce car ils craignent ne pas avoir un marché suffisamment large pour que les ventes couvrent les coûts d’édition encourus. b. Certains éditeurs pensent même que, puisque le pays est bilingue, les lecteurs n’ont pas besoin des versions traduites des œuvres publiées. Or la réalité sur le terrain est toute autre : moins de 20% de la population parle, écrit ou lit couramment les deux langues officielles du pays que sont le français et l’anglais. c. Le désir des metteurs en scène de la version traduite de gagner rapidement de l’argent plutôt que d’attendre longtemps et sans certitude la publication de la version traduite avant de monter la pièce. d. Le désir aussi de ces metteurs en scène d’attirer des foules nombreuses au moment où la pièce est d’actualité et connaît un grand succès auprès du public de l’original. e. Le peu d’enthousiasme des éditeurs à publier des traductions a créé une situation où les metteurs en scène négocient directement avec les auteurs de l’original pour faire traduire et jouer leurs pièces. Ces derniers sont d’ailleurs souvent invités à la première représentation de la version traduite. Cette situation est favorisée par : i. le fait que les droits de reproduction semblent être réservés uniquement à la publication de la version originale et non à la traduction ; ii. l’auteur est aussi animé par le désir de se faire connaître et d’étendre sa popularité au public francophone ou anglophone selon le cas ; [18.222.184.162] Project MUSE (2024-04-26 06:47 GMT) 73 Che : Le paysage théâtral camerounais et les enjeux...

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