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5 La pratique de la traduction et de l’interprétation dans une société multilingue : Défis et perspectives Alexandre Ndeffo Tene Dans un pays multilingue, chaque individu est exposé à plusieurs langues. La probabilité qu’il en apprenne d’autres que la sienne est forcément très élevée. Lorsqu’il y a deux langues officielles (comme c’est le cas au Cameroun avec le français et l’anglais) et que les documents officiels sont écrits et publiés dans ces deux langues, et surtout lorsque ces deux langues sont utilisées quotidiennement dans l’administration et les média, chaque citoyen (qui est scolarisé dans au moins l’une des deux langues) est tellement exposé à l’autre qu’il en acquiert progressivement au moins une connaissance passive. La traduction ayant pour fonction principale d’informer ses destinataires sur le contenu d’un texte dont ils ne comprennent pas la langue dans laquelle il a été originellement rédigé, on peut légitimement se poser la question de savoir si elle garde sa raison d’être dans un contexte où ses destinataires ont, pour la plupart, une certaine maîtrise ou au moins une connaissance passive de la langue de départ. Pour essayer de répondre à cette question dans les lignes qui suivent, nous commencerons par présenter un état des lieux de la profession de traducteur / interprète au Cameroun, puis un aperçu du bilinguisme officiel et de son incidence sur la pratique de la traduction / de l’interprétation, avant de conclure en analysant les perspectives qui existent sur le marché camerounais. 1. La traduction au Cameroun : État des lieux L’histoire de la traduction au Cameroun1 pourrait être subdivisée en trois périodes : a) avant 1985 (année de la création de l’ASTI)2 ; b) de 1985 à la fin des années 1990 (crise économique, dévaluation du franc CFA, baisse des salaires) ; c) depuis la fin des années 1990 60 Perspectives on Translation and Interpretation in Cameroon (fin des recrutements systématiques des diplômés de l’ASTI dans la Fonction Publique). a) De 1961 (institution du bilinguisme officiel) à 1985 (création de l’ASTI), l’État camerounais éprouve des difficultés à mettre en œuvre sa politique linguistique. Si tous les textes officiels doivent être publiés en français et en anglais, les deux langues officielles3 , l’État ne dispose pas de toutes les ressources humaines nécessaires pour venir à bout de cette tâche. En 1980 (Décret n° 80/281 du 2307 -1980), il créé alors la Direction des Services Linguistiques (DSL) au sein de la Présidence de la République. Le nombre de traducteurs et interprètes que compte la DSL à sa création se révèle rapidement insuffisant.4 Pour compléter cette petite équipe, des étudiants sont envoyés dans des universités européennes et nord-américaines pour y apprendre l’art de la traduction et de l’interprétation. La cadence (relativement faible) pouvant difficilement palier le déficit toujours grandissant en traduction, l’État décide d’organiser lui-même la formation de ses traducteurs et interprètes. Il ouvre alors une école, l’ASTI, Advanced School of Translators and Interpreters, qu’il installe à Buea. L’ASTI est chargée, premièrement, de la formation de traducteurs et de traducteurs-interprètes, deuxièmement, de la recherche dans le domaine de la traduction et de l’interprétation, troisièmement, du recyclage et du perfectionnement des cadres du secteur de la traduction et de l’interprétation et, quatrièmement, de l’appui au développement du bilinguisme.5 b) À partir de l’ouverture de l’ASTI à Buea, la situation s’améliore considérablement, les diplômés de l’institution étant systématiquement recrutés par l’Etat, qui les affecte dans les différents services de traduction de l’Administration Centrale (Présidence de la République, Assemblée Nationale, Ministères). Les traducteurs et interprètes ainsi recrutés sont intégrés en catégorie A2 de la Fonction Publique : Statut de cadre et rémunération alléchante. Pour les traducteurs et interprètes, tout semble [3.16.83.150] Project MUSE (2024-04-24 08:11 GMT) 61 Tene : La pratique de la traduction et de l’interprétation dans une société multilingue aller pour le mieux dans le meilleur des mondes : ils sont bien...

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