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148 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française 33 Le congrès des écrivains et artistes noirs à Rome Extrait de L’Etudiant d’Afrique Noire, journal mensuel de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF), n° 25 avril 1959 Amady Aly Dieng En septembre 1956 à Paris, les écrivains et artistes noirs avaient tenu leur premier congrès que l’on qualifia de « Bandoeng culturel ». Depuis cet événement qui entrera dans l’histoire, l’Afrique est devenue le théâtre de multiples conférences qui l’ont portée sous les éclairages de la scène internationale. Le chemin qui a mené de la Sorbonne à l’Institut Italien pour l’Afrique a été marqué par des bornes historiques, comme Le Caire, Accra, qui ont très souvent servi de référence aux congressistes. L’indépendance de la Guinée, qui vient de reculer les frontières de l’humiliation et de la honte sur l’empire français, a porté un témoignage vivant par la voix du Président Sékou Touré. Devant cette cascade d’événements qui sillonnent sans cesse l’Afrique, longtemps condamnée au silence et à l’absence de l’histoire, les Ecrivains et Artistes Noirs avaient besoin de faire le point pour recenser les liens de leur unité et mesurer leur responsabilité. Cette tâche fut accomplie en grande partie à Rome, du 24 mars au 1er avril, dans la sérénité des commissions. Si la première rencontre de Paris avait livré pour une large part la primeur de ses travaux au public, le Congrès de Rome avait choisi une autre démarche, un autre style de travail : le secret des délibérations de commissions. Néanmoins, le public a pu écouter quelques communications qu’il a su apprécier à leur juste valeur. Leurs auteurs provenaient de différents horizons géographiques. Ils nous présentèrent des rapports sur les thèmes les plus divers. L’Haïtien Price Mars, sur la paléontologie, la préhistoire et l’archéologie ; le Sénégalais Cheikh Anta Diop, sur l’unité culturelle africaine ; le Martiniquais Frantz Fanon, sur le fait culturel et l’histoire nationale ; le Malgache Rabemananjara, sur les fonctionnements de notre unité culturelle tirés de l’époque coloniale ; le Jamaïcain Eric Williams, sur le leader politique considéré comme homme de culture ; l’Antillais Aimé Césaire, sur la culture et la colonisation. De plus, d’autres rapports de grande valeur furent lus et étudiés en commissions. Les documents sont si considérables qu’on ne peut en rendre compte. Seuls les thèmes principaux peuvent être mentionnés. Le rôle de l’écrivain et artiste noirs fut sérieusement discuté. L’art pour l’art, doctrine si chère aux gros bourgeois repus, fut froidement repoussé du pied. 149 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française Le thème de l’engagement inspira et, mieux, imprégna les travaux de la Commission de Littérature où se côtoyaient des hommes aussi différents d’âge que de pays ou de conceptions comme René Maran et Sembène Ousmane. Aimé Césaire et Bankolé Timothy, Glissant et Mercer Cook. Le mythe de l’autonomie complète de l’art par rapport à la politique fut sévèrement dénoncé et mis au rancart. Comme l’on pouvait s’y attendre, la note dominante du Congrès était constituée par les relations qui existent entre la politique et la culture, ou plus précisément entre la colonisation et la culture. Dans ce domaine, la grande vedette du Congrès fut Aimé Césaire, l’auteur du Discours sur la colonialisme, non pas parce que tout le monde épouse toutes ses idées en général, mais parce qu’il a su, en termes énergiques et souvent poétiques, exprimer les aspirations profondes des peuples opprimés. Le colonialisme est à l’agonie, il est désormais atteint d’une maladie incurable qui lui laisse encore quelques années de sursis : ses funérailles ne sont pas encore célébrées… Césaire nous en avertit : « Nous sommes à l’heure où le colonialisme est non pas mort, mais se sait mortel et perd de son assurance historique ». C’est dans ce contexte qu’il définit la mission de l’homme...

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