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95 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française 17 Karim de Ousmane Socé Diop Ousmane Camara En écrivant Karim, Ousmane Socé avait, paraît-il, le souci de nous monter la société traditionnelle sénégalaise aux prises avec un mode de vie nouveau créé par la présence française ; il voulait surtout montrer, en mettant l’accent sur ce que la société traditionnelle à l’état pur avait d’extravagant, d’irraisonné, comment, grâce à l’apport de la civilisation française, s’était créé un brassage ayant donné naissance à une société nouvelle puisant sa force et son harmonie dans les vertus conjugées des deux civilisations. Pour ce faire, Socé choisit pour héros un jeune Saint-Louisien de 22 ans armé de son Certificat d’Etudes Primaires, employé de commerce. Karim dont le contact avec l’école française n’a en rien altéré les conceptions sociales, entend vivre en digne continuateur de la tradition des « Samba-linguères ». Enflammé par la beauté ensorceleuse de Marième la Saint-Louisienne, le voilà lancé à corps perdu sur la trace de ses généreux prédécesseurs et ce ne sont plus que soirées ennivrantes où Karim chavire complètement grisé par l’envoûtante évocation d’un passé glorieux. Hélas, après ces nuits de volupté, ce sont des lendemains plutôt amers où la réalité économique se fait de plus en plus pesante, exigeante, et rappelle à Karim que le temps n’est plus où un « Samba-linguère » pouvait impunément jeter l’argent aux quatre vents. Gêné par cette réalité, Karim persiste néanmoins, mais vaincu sur son propre terrain par un adversaire plus prodigue encore, il semble comprendre la nécessité de rompre avec ce passé onéreux. Le voilà donc parti à Dakar pour se refaire une autre vie. Il aura certes une éphémère rechute, mais grâce à ses fréquentations, l’ordre social nouveau l’absorbe, le transforme complètement et c’est un Karim respectueux des bonnes traditions sénégalaises mais l’esprit désormais totalement acquis aux idées nouvelles qui revient à Saint-Louis épouser Marième et mener une vie paisible. Ce qui frappe le plus dans Karim, c’est son côté superficiel. En effet, il n’y a aucune profondeur dans l’analyse, aucune réflexion sérieuse ; on ne trouve rien sinon un tableau schématique de ce que pouvait être la société sénégalaise entre les deux guerres. Les mœurs de l’époque, surtout à Saint-Louis, sont assez fidèlement décrites, mais d’une manière tellement superficielle qu’on en arrive même à se demander si Socé connaissait vraiement la société sénégalaise ; on se pose d’autant plus la question qu’on a l’impression en lisant Karim que la société sénégalaise était composée à l’époque d’une part, de gens de castes essentiellement malhonnêtes et ingrats avec parfois de très rares exceptions, d’autre part de nobles d’une prodigalité et d’une frivolité confinant à une totale inconscience. 96 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française De même, Socé ne voit des femmes sénégalaises que l’extérieur ; il ne va pas audel à des croupes qui se trémoussent un soir de tam-tam ; il passe totalement à côté du problème de la condition sociale de la femme. A voir les attitudes et les discussions des « intellectuels », on a l’impression qu’au Sénégal, à l’époque de Karim, les intellectuels n’avaient d’autre ambition que de singer l’Européen et d’autre perspective que l’assimilation. Quant aux rapports de colonisation, c’est l’élément qui éclaire le mieux sur la nature véritable de Karim. Ces rapports ne sont posés qu’au niveau des différentes entreprises où travaille Karim et dans des termes qu’on pourrait presque qualifier de scandaleux. En effet, on a d’un côté le patron européen, compréhensif, paternel, traitant ses subordonnés noirs comme il aurait traité des Blancs, aimant la plaisanterie, et de l’autre le Sénégalais très peu consciencieux, ombrageux au point de ne pouvoir même pas goûter la plaisanterie. Et si Karim perd son emploi, c’est forc...

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